« L’ergot est un problème à prendre à bras-le-corps », a déclaré Aurélie Augis, ingénieure régionale pour le Centre à Arvalis, lors d’un colloque sur le blé dur. En effet, avec les impasses en désherbage, les pluies de 2024 et la recrudescence des vulpins et des ray-grass, l’ergot se multiplie rapidement.

« Nous avons de plus en plus de signalements dans toutes les grandes zones céréalières ayant une problématique graminées adventices, comme le Centre ou l’Île-de-France, chez les agriculteurs conventionnels, a ajouté Delphine Bouttet, ingénieure spécialiste en désherbage à Arvalis. Les bio, qui fertilisent peu ou pas, sont moins sensibles aux graminées, donc moins touchés par l’ergot. »

Pas de variété résistante

La concentration de ce petit champignon, qui a causé avec ses 12 alcaloïdes toxiques des dégâts sanitaires bien connus dans l’histoire, est réglementée : pas plus de 0,2 g/kg de céréale, soit environ trois sclérotes par kg. Les sclérotes sont dans le sol et germent en sortie d’hiver.

Leurs spores contaminent les graminées en floraison sur environ 20 mètres autour, que ce soit des adventices (vulpin en particulier) ou des cultures. Le champignon produit des gouttes sucrées sur les épis, un miellat chargé de spores. Puis les grains deviennent noirs et sont facilement identifiables.

Quelle que soit la céréale, il n’existe aucune variété résistante à l’ergot. La sensibilité s’opère en fonction de la durée de floraison ou du mode de reproduction de la plante : allogame pour le seigle ou autogame pour le blé.

L’ergot a souvent la même taille et forme que les grains mais il se différencie par sa couleur noire et une partie interne blanc violacé. (© Arvalis)

Un plan d’action de trois à cinq ans

En cas de contamination, Arvalis propose un plan d’action de trois à cinq ans, en fonction du niveau d’infestation, de l’historique de l’ergot sur la parcelle et de la présence de graminées. « Nous avons appris à le gérer avec l’agronomie car la chimie ne peut pas le contrôler. Aucun traitement de semences ou de solution en végétation n’existe, explique l’ingénieure. L’action sera également bénéfique pour le désherbage. »

La première étape consiste à labourer. Les sclérotes seront ainsi enfouis à plus de 10 cm dans le sol et ne pourront plus émettre de spores contaminantes. La deuxième année, il faudra travailler le sol très superficiellement pour ne pas les faire remonter. Après deux années au moins passées dans le sous-sol, les sclérotes ne sont plus en mesure de produire des spores.

Ce travail du sol sera combiné avec une rotation sans graminée (pas de blé, orge, seigle, triticale…) pendant au moins deux ans. Privilégiez du maïs, du colza, des betteraves ou du tournesol. « En cas d’infestation importante, la diversification de la rotation est une étape incontournable. Il faut choisir des cultures qui ne sont pas des céréales à paille et qui se désherbent bien », souligne Delphine Bouttet.

La méthanisation est une autre piste pour se débarrasser des lots avec de l’ergot. Le centre de recherche du végétal a prouvé que l’impact de la digestion anaérobie dégrade fortement les sclérotes. Aucun n’a germé dans le digestat épandu. « L’ergot n’est pas une fatalité. Il faut seulement réagir vite », conclut l’ingénieure.

« Ne pas culpabiliser mais agir »

En cas de contamination par l’ergot, il faut signaler rapidement sa présence à l’organisme stockeur pour qu’il puisse écarter le lot contaminé et le trier facilement. « Les cas ne sont plus isolés, cela peut arriver à tout le monde. On en trouve dans la semence, et personne n’est en mesure de garantir qu’il n’y a pas d’ergot dans les semences certifiées ou dans les graminées en bordure de route. Il ne faut pas culpabiliser mais agir », insiste Delphine Bouttet, qui déconseille de garder les lots infestés comme semences de ferme.