On m’appelle
J’interviens dans les sociétés qui ont de gros problèmes de relation entre associés. Soit les agriculteurs m’appellent directement, soit ce sont les centres de gestion. J’ai ensuite un ou deux entretiens individuels avec les membres du groupe. Puis, nous nous mettons autour d’une table et nous élaborons un plan de sortie de crise. Ou nous concluons qu’il faut se séparer.
Absentes du projet
Les installations sociétaires en agriculture représentent 41 % des exploitations professionnelles. Un dysfonctionnement dans les relations humaines entre les associés se traduira par une impossibilité de discuter de l’organisation du travail, d’un projet, de dialoguer tout simplement. Et tout va crescendo, jusqu’à l’explosion. Les conseillers qui encadrent les agriculteurs en phase de création de société sont surtout des fiscalistes, des économistes, pas forcément sensibilisés aux relations humaines. Or, constituer une société, c’est tout partager : les décisions, les projets, l’organisation du travail, les représentations extérieures, les résultats économiques. Bien souvent, les associés ne se connaissent pas et ne savent pas communiquer.
Pas mieux en famille
Contrairement aux idées reçues, les associations en famille sont les plus exposées. Se mettre en société change le mode relationnel. Je reçois beaucoup de dossiers enkystés depuis des années. Je tente toujours une médiation : si la situation est irréversible, cela fera au moins baisser la tension. Je propose des axes de sortie. Au début du conflit, le terrain de la conciliation est plus favorable : on démystifie plus facilement ce sujet tabou. Il y aura moins de drames humains, donc moins de problèmes économiques et financiers.
L’irrationnel domine
Lors des relations dysfonctionnelles, l’irrationnel domine les débats. Quand seul le juridique prime, c’est un cratère humain en pleine éruption que je découvre. Parfois, le seul objectif fixé par les agriculteurs et leurs « conseils » pour cette conciliation est donc d’éliminer l’autre, coûte que coûte.
Amer face à l’immobilisme
Je suis très amer face à ce que je vois sur le terrain depuis 1990. Il faut anticiper les problèmes, sensibiliser les agriculteurs à cette thématique. J’aimerais que les organisations professionnelles agricoles réagissent enfin face à ces dysfonctionnements. Pour éviter ces drames humains, voire ces échecs, elles devraient enfin intégrer les relations humaines dans la phase de réflexion sur la création des sociétés. Elles sont la plus importante clé de réussite : l’argent fait moins le ciment de la pérennité de l’entreprise qu’une base humaine ferme et cohérente. De nombreuses sociétés fonctionnent. Mais là où cela ne va pas, il y a de la souffrance, des drames humains : des familles qui se déchirent, se « foutent en l’air » psychologiquement, socialement, pour toute une vie.
(1) Association départementale des structures d’exploitation agricole.
(2) Conseil intervient dans les Ardennes, dans la Marne, la Seine-et-Marne, l’Aisne et l’Aude.