«Ce dimanche de juin, nous rentrions de déjeuner chez mon frère. Une voisine nous attendait sur le perron de la maison, avertissant : ''Vous allez avoir des ennuis. Votre ânesse est morte, ça a choqué la foule.'' Le matin, avant de partir, nous étions passés voir le couple d’ânes et leur petit, installés dans une pâture au cœur du village. Tout allait bien. Dans l’après-midi, tandis que le centre équestre qui borde la parcelle organisait une fête, notre ânesse s’est sentie mal. Elle était sur le dos. Le public inquiet a prévenu le directeur du centre, qui a appelé mon ouvrier. Ce dernier a réussi à trouver un vétérinaire de garde. Le diagnostic a été rapide : l’ânesse, en gestation, venait d’avorter et faisait une septicémie foudroyante. L’injection d’antibiotiques n’a pas suffi, l’animal est mort. Les citadins attroupés et choqués se sont imaginé plein de choses. Les animaux étaient mal nourris, puisque l’écorce des arbres était mangée ? Étaient-ils battus ?

Le vétérinaire a recouvert le corps de l’ânesse d’une bâche. Quand nous sommes rentrés, nous avons appris ce qui s’était passé. L’équarrisseur n’a pu passer que le mardi. Pendant ce temps, les conversations allaient bon train. Une dame m’a appelé me disant qu’il était inadmissible de laisser cette pauvre ânesse morte dans le pré et qu’elle avait prévenu la SPA. Le mercredi, l’association m’annonçait son passage le lendemain.

 

Crainte comme pour la Pac

Un sentiment de peur m’habitait. Je redoutais cette visite autant qu’un contrôle Pac. Avant, j’étais éleveur, je sais que la mort fait partie de la vie. On voulait me prendre en défaut, alors que je n’avais fait rien de mal. Cette incompréhension m’insupportait. Quand la jeune femme a débarqué, j’ai été surpris par son amateurisme. Elle n’avait jamais vu d’âne. Elle ne savait pas ce qui s’était passé. Elle intervenait à la suite de la dénonciation calomnieuse faite par un couple de trentenaires, récemment installé dans le village. Arrivée dans la parcelle, elle a vu que les deux autres ânes venaient à nous pour des caresses. Il n’y avait donc pas mauvais traitement. Elle m’a même proposé de prendre en pension des chèvres recueillies par la SPA. J’ai refusé et j’ai rapidement vendu mes deux autres ânes. Depuis, le couple indélicat a déménagé. Je retiens de cette histoire que les gens ne comprennent pas la nature de l’animal. Ce dernier peut, tout comme l’homme, être touché par un problème de santé. »