En juillet 2014, Nadia Ansolabéhère a repris l’exploitation de son oncle, une petite ferme traditionnelle spécialisée dans les brebis laitières au sein d’Anhaux (Pyrénées-Atlantiques), une commune de moins de 400 habitants. « Enfant, j’habitais à 200 m d’ici et je venais souvent aider. J’aimais beaucoup ça, mais c’était vraiment une toute petite exploitation et donc difficilement viable. »
Une petite ferme
Adolescente, elle préfère poursuivre des études qui la conduisent au métier de professeur d’espagnol. Elle a enseigné pendant une quinzaine d’années, en Guyane, puis dans le Nord-Pas-de-Calais et jusqu’à Los Angeles ! « Je faisais des remplacements, mais le métier me plaisait de moins en moins. Avant d’accepter le poste aux États-Unis, j’avais démarré une formation à distance pour passer un bac professionnel agricole. Cette année à l’étranger était juste une transition le temps que mon oncle prenne sa retraite. »

Nouvelle organisation
Nadia a repris le troupeau existant de race manech tête noire. Elle a entrepris une conversion en agriculture biologique en 2015, réintroduit la transhumance que son oncle ne pratiquait plus et changé l’alimentation : « J’ai raisonné les apports en réduisant les concentrés quitte à perdre du litrage, 10 000 l quand mon oncle en faisait plutôt 12 000. Je suis autonome sur les fourrages et j’arrive même à en vendre. Mes seuls achats sont les céréales (orge et maïs) et la luzerne déshydratée. »
La bergerie et la salle de traite ont été réorganisées pour devenir plus fonctionnelles. « Je distribue encore le foin manuellement, mais je compte investir dans un tapis prochainement. »
Les brebis sont en estive de début juin à mi-septembre, au-dessus du village, accessible en voiture, à environ une demi-heure de route. « Chaque année j’y installe ma caravane pour pouvoir dormir sur place. Je préfère ce rythme : être sur place très tôt le matin et redescendre à la ferme dans la matinée. » Les brebis qui ne sont pas en production, montent début juin. Celles en lactation les rejoignent une fois taries, généralement vers la mi-juillet. Le lait, livré à une laiterie locale (la Fromagerie des bergers de Saint-Michel), est transformé en fromage AOP Ossau-Iraty au lait cru bio. Les agneaux (nés de fin novembre à avril) sont valorisés en moyenne 3,5 €/kg (poids vif) sous l’appellation IGP agneau de lait des Pyrénées.

« Au départ, je me sentais peu sûre de moi. J’avais confiance dans mon approche avec les animaux, mais peur de ne pas être à la hauteur sur les aspects cultures et machines. » À cause de cette pression, la première année se passe difficilement. La transmission reste délicate, voire conflictuelle avec les anciennes générations. Mais Nadia tient bon et se sent désormais à l’aise dans son métier. Elle veut savoir tout faire, y compris quand sa force physique lui fait défaut : « Je n’ai qu’un tracteur alors il faut sans cesse atteler et dételer les machines. Quand on est énervé et qu’on veut aller vite, c’est parfois la galère… Mais on trouve toujours une solution pour faire à sa façon. » Même sentiment pour la manipulation des brebis : « Je ne cherche plus à faire en force “comme les bonshommes”. À présent j’ai ma technique, plus adaptée à mon gabarit, et qui fonctionne très bien aussi. »
La réalité du métier
Son parcellaire coupé de la bergerie l’oblige à faire des va-et-vient à travers le village, que ce soit avec son troupeau ou son tracteur. Elle a peu d’espoir de s’étendre car l’accès au foncier reste limité à cause de l’enclavement de sa structure au sein du village et du relief montagneux environnant.
« Je n’ai pas beaucoup de perspectives d’évolution, mais mon troupeau tourne plutôt bien aujourd’hui. Je ne regrette pas mon choix de vie et je me suis accommodée de mon nouveau revenu, à peine un peu plus qu’un SMIC. J’ai des chiffres tous petits, mais réguliers et je ne me sens pas si fragile que ça en dépit de l’augmentation du coût des intrants. J’arrive aussi à m’absenter de temps en temps, prendre un salarié l’hiver, ou des week-ends, faire des formations, etc. J’aime le métier que j’ai choisi. C’est précieux. »
Hélène Quenin