À Guillerval, en Essonne, depuis l’ouverture de la boulangerie en novembre 2020, les journées de Jérôme Chenevière sont bien remplies : préparer et livrer les commandes de pains et de viennoiseries le matin, répondre aux nombreux appels téléphoniques, tenir la boutique du lundi au vendredi de 16 h à 19 h, tout cela sans négliger les 192 ha de l’exploitation céréalière cultivés en bio. En 2007, lors de son installation à la suite de son père, après une dizaine d’années comme technico-commercial, Jérôme ne pensait pas qu’il deviendrait boulanger. C’est le fruit de plusieurs décisions prises pour pérenniser la ferme.

 

Pour satisfaire les clients, la gamme de produits proposés dans la boulangerie se diversifie avec la farine et l’huile de la ferme, ainsi que d’autres denrées locales. (voir également la photo ci-après) © F. Mélix
Pour satisfaire les clients, la gamme de produits proposés dans la boulangerie se diversifie avec la farine et l’huile de la ferme, ainsi que d’autres denrées locales. (voir également la photo ci-après) © F. Mélix

 

Conversion au bio

Afin d’améliorer la fertilité de ses terres et de réduire les contraintes dues à la présence de cailloux, il décide de se lancer en agriculture de conservation des sols en semant de la luzerne sous couvert dès 2013. « Si la première année a donné de bons résultats, j’ai rapidement été envahi par les campagnols, les chardons et les chénopodes, se souvient l’agriculteur. En parallèle, la menace de supprimer le glyphosate ainsi que certains herbicides, et la variation des prix sur les marchés fragilisaient mon système. En 2016, la très mauvaise récolte m’a amené à réfléchir à une transition vers l’agriculture biologique. Quitte à labourer pour réguler les adventices, autant le faire en bio. Je me suis donc lancé en 2018. »

Pendant les deux années de conversion, l’exploitant constate qu’il n’est pas le seul à franchir le pas et s’inquiète de la tenue des cours. Il cherche alors à générer davantage de valeur ajoutée sur sa ferme en visant la transformation et la vente en direct de sa production. « J’ai commencé à vendre de la farine le 1er avril 2020 et elle a eu beaucoup de succès pendant le confinement. Si je voulais développer cette activité, je devais passer mes journées à livrer des épiceries à Paris ou Chartres, et ce n’était pas ce que je souhaitais. »

 

la gamme de produits proposés dans la boulangerie se diversifie également avec l’huile de la ferme. (voir également la photo ci-dessus) © F. Mélix
la gamme de produits proposés dans la boulangerie se diversifie également avec l’huile de la ferme. (voir également la photo ci-dessus) © F. Mélix

Un prix accessible

En revanche, l’ancien technico-commercial aime retrouver le contact avec les clients. Après la visite de deux paysans-boulangers, il aménage une partie d’un bâtiment en boulangerie, construit en février 2020 pour stocker les grains, et il investit dans un four à pain en juin 2020. Des boulangers ayant eu vent de son projet ont candidaté spontanément, attirés par le façonnage du pain au levain naturel, la farine issue de blés anciens et le circuit court.

« Jusqu’à maintenant, je n’ai travaillé qu’avec un seul boulanger. Cependant, lors de ses congés ou de ses arrêts maladie, les tâches deviennent trop lourdes pour moi », constate Jérôme. Fin mai 2021, un deuxième boulanger a été embauché, ce qui devrait permettre d’ouvrir le magasin le matin.

« Je cherche à rendre accessible le pain bio avec des prix raisonnables, soit 1,40 euro pour une baguette de 280 g et 2,90 euros pour un pain de 500 g qui se conserve quatre jours sans problème », précise l’agriculteur. Parmi ses clients, il compte, outre les particuliers, des cantines scolaires locales, des épiceries et tout récemment des Amap (Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne), ainsi qu’un restaurateur qui utilise ses buns pour cuisiner des burgers. « De nouveaux marchés s’ouvrent régulièrement grâce au bouche-à-oreille. Ce qui me laisse penser que je pourrais atteindre le chiffre d’affaires de 30 000 euros par mois que je me suis fixé, alors qu’aujourd’hui il se situe autour de 18 000 euros. »

Une offre diversifiée

Une presse à vis a également pris place sous le bâtiment pour triturer le tournesol et la cameline produits sur la ferme. L’huile est commercialisée en boutique et les tourteaux sont échangés avec un éleveur de porcs voisin contre des terrines vendues à la boulangerie. Sont aussi proposés du miel, des jus de fruits, de la bière, des glaces, des œufs, des confitures, des pâtes ou des fromages de producteurs voisins. « L’idée est de développer la gamme, pourquoi pas avec des fruits et légumes », projette Jérôme.

S’il manque un peu de temps, depuis six mois, pour développer cette diversification, le coup de main de son épouse sur la ferme devrait faciliter les choses.

Florence Mélix