«Nous sommes les seuls producteurs de lait du plateau de Millevaches », avertissent Sébastien De Kort et Marie Gouyon, associés sur 160 ha à Saint-Setiers, en Corrèze. Le couple élève un double troupeau en produisant du lait avec 44 prim’holsteins, et des broutards avec 80 limousines. L’histoire de l’exploitation s’est construite sur trois générations depuis l’arrivée, en 1952, des grands-parents de Sébastien en provenance de leur Hollande natale. Johannes et Maria De Kort passent de la plaine à la montagne avec 40 brebis, des vaches produisant des veaux de lait et 3 cochons. Dès que les laiteries mettent une collecte en place, ils achètent des frisonnes pour produire du lait.

Leur fils Jean s’installe à son tour avec son épouse, Chantal. Chacun va rester professionnellement indépendant, un choix d’avant-garde pour l’époque : Jean avec des vaches laitières et Chantal avec un troupeau de limousines. Lorsque Sébastien les rejoint en 2002, ils créent le Gaec de Sounaleix à trois parts égales avec 60 ha supplémentaires. Le troupeau compte alors 55 laitières et 30 allaitantes. Jean et Sébastien exercent seuls à partir de 2012, année du décès de Chantal. En 2019, Marie remplace Jean lorsqu’il prend sa retraite. « J’ai travaillé dix ans à l’extérieur en tant que secrétaire médicale, sans perspective d’évolution. Je ne regrette pas mon choix qui me permet de vivre au plus près de mon conjoint et de nos deux enfants », explique-t-elle. Le couple partage les responsabilités et le travail, Marie gère la traite biquotidienne, les soins aux veaux et aux génisses, ainsi que l’administratif ; Sébastien l’alimentation, le troupeau allaitant et les travaux extérieurs.
Autonomie alimentaire
« Lorsque nous sommes arrivés à saturation de places dans le bâtiment avec 55 vaches en lactation, nous avons changé de stratégie en diminuant leur nombre tout en améliorant la production, indiquent les éleveurs, formés aux inséminations. Nous avons installé des tapis dans les logettes. Et nous avons gagné en autonomie alimentaire en améliorant la qualité des fourrages et en produisant plus de maïs. » La ration mélangée se compose en kilos bruts par vache et par jour de 21 kg d’ensilage d’herbe, 28 kg d’ensilage de maïs, 2 kg de farine de maïs et 5 kg de correcteur azoté. La complémentation est individuelle pour les hautes productrices. Le coût alimentaire n’excède pas 108 €/1 000 l.
Le prix du lait reste toutefois insuffisant par rapport au coût de production. Un engagement pour une production sans OGM pour Carrefour ne porte pas ses fruits à cause d’un non-respect du contrat par la Société laitière des volcans d’Auvergne (SLVA), filiale de Terra Lacta, qui achète le lait à Coopal. Cette dernière a assigné la SLVA au tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en décembre dernier. Une partie de la production est valorisée pour la filière locale Mont Lait en dégageant 1 400 € de plus-value par an. « À 400 €/1 000 l, nous ne produirions que du lait, précisent-ils. La marge dégagée par une laitière est le double de celle d’une allaitante. Et nous aimons traire ! »
Bâtiment tout confort
En 2017, Jean et Sébastien ont construit une stabulation sur logettes avec tapis de 84 places pour les vaches limousines, jusqu’alors conduites en plein air intégral. « Nous avons gagné en confort pour nos animaux et notre travail, explique Sébastien. Les vaches, qui vêlent de septembre à mars, reçoivent une ration mélangée composée de 6 kg de foin, 10 kg d’ensilage d’herbe, 7,5 kg d’ensilage de maïs, 400 g de concentré et des minéraux. Nos critères de sélection sont la docilité, la croissance et la facilité de naissance. La pesée des veaux depuis deux ans témoigne d’un gain moyen quotidien (GMQ) de 1 000 g de la naissance à 210 jours. Les broutards sont vendus à l’export entre 320 kg pour les femelles et 380 kg pour les mâles à l’âge de 11 mois. Leur prix de vente de 2,95 €/kg vif en 2022 reste inférieur au prix estimé à 3,37 €/kg vif pour une rémunération correcte du travail de l’éleveur. « Les deux productions permettent d’avoir plusieurs cordes à notre arc. Mais nous ne perdons pas l’espoir d’une monoproduction en lait. Il n’y aurait alors plus qu’à ajouter une salle de traite à la nouvelle stabulation ! », concluent Sébastien et Marie. M. Roque Marmeys