Le loup n'a peut-être plus peur du lynx. Cette hypothèse expliquerait la recrudescence des attaques de loup dans l'Ain (23 en 2023), où le lynx défendait jusque-là son pré carré. « On craint l'installation d'une meute cette année », anticipe Pierre Blondiaux. A la tête d'un troupeau ovin, il fait partie de la cinquantaine d'éleveurs membres du réseau de l'Apacefs (1), une petite association de passionnés qui suit de près les populations de lynx et loups dans le département. « C'est la meilleure source d'information sur le sujet et elle envoie une alerte à la moindre observation, ce qui nous permet de redoubler de vigilance, apprécie-t-il. En cas d'urgence, elle peut aussi mettre gratuitement à disposition des clôtures électrifiées. »
Balles de caoutchouc
Son président Taïeb Messousse hésite à répondre à La France Agricole. « On n'est ni pour ni contre le loup, donc on se fait taper par tout le monde », soupire ce « chasseur, pêcheur, petit-fils d'éleveur ». L'Apacefs, association créée en 2019 qui siège au comité loup, compte neuf membres de terrain, tous bénévoles. « Nous sommes des passionnés du lynx, et nous nous sommes intéressés au loup puisqu'il arrivait chez nous, retrace Taïeb. Nous acceptons tous les éleveurs dans notre réseau : qu'ils soient pour ou contre le loup, avec ou sans moyens de protection. En 2023, nous avons fait dix-huit nuits de surveillance chez des éleveurs volontaires. Deux effarouchements sonores ont fait fuir des loups. Nous pouvons aller jusqu'au tir de balles de caoutchouc sur l'animal. »
C'est ce qui s'est passé chez Frédéric Demias, à la fin d'avril 2024. L'éleveur, qui n'a « plus de patou à cause des promeneurs et pas les moyens de payer un berger », a perdu quatre béliers sous les crocs du loup. « L'OFB a fait son travail avec empathie. Mais après le constat, on se retrouve seul, témoigne-t-il. J'ai appelé l'Apacefs et deux heures plus tard, quatre bénévoles étaient chez moi. Ils ont fait un travail formidable avec une grande gentillesse. Connaissant bien le loup, ils m'ont donné de bons conseils, ont posé des pièges photo et m'ont proposé de rester la nuit en surveillance, sûrs qu'il reviendrait. Quand il s'est pointé à dix mètres d'eux, près d'un lot de réformes, ils ont tiré pour le mettre en fuite. »
L'éleveur a été bluffé. Des louvetiers ont finalement tué le coupable deux jours plus tard en mai 2024. Ce premier loup abattu dans l'Ain depuis un demi-siècle pourrait être le précurseur d'une série : les attaques, en tout cas, ont repris le surlendemain.
(1) Association des protections alternatives pour la cohabitation de l’élevage et de la faune sauvage.