Nous avons la chance d’avoir regardé les premiers épisodes de Déter, la série de France Télévisions tournée dans un lycée agricole. Et c’est plutôt enthousiasmant. Les deux premiers épisodes seront lancés le 3 octobre 2023 sur la plateforme numérique France.tv. La série comptera deux cents épisodes de sept minutes et un résumé hebdomadaire de 35 minutes.

Lycée agricole

C’est dans le premier épisode qu’on découvre les lieux et où on rencontre les principaux personnages. Le lieu, donc, c’est un lycée agricole. En réalité, la série a été tournée dans un ancien établissement agricole privé de la région de Vitré (Ille-et-Vilaine). Rien ne manque : les bâtiments d’enseignement, l’internat, la salle d’éducation socioculturelle — dont on rappelle plus tard dans la série que c’est une particularité de l’enseignement agricole — et l’exploitation attenante.

Et puis les personnages. La série se focalise surtout sur les élèves de terminale. Avec leurs profils assez modernes et diversifiés, il y a largement de quoi développer des histoires entre eux. L’un d’eux, Sohan, joue un rôle central. Parisien pure souche, il débarque en terminale dans le lycée agricole. Il va servir de guide pour découvrir ce milieu. Il jouera aussi un rôle central dans l’histoire puisqu’il enquête sur la disparition de Max, un élève qui ne s’est pas présenté à cette rentrée, et dont on perçoit que des liens particuliers les unissent. Les acteurs et les actrices sont particulièrement convaincants.

Dans Déter, l'histoire se noue autour de Sohan, jeune Parisien débarqué dans un lycée agricole breton, qui doit s'associer à ses camarades pour mener son enquête. (© Estelle Chaigne/FranceTV)

Complexité

C’est aussi Sohan qui va changer son regard sur le monde agricole au fur et à mesure qu’il le découvre. Il voit qu’il est aussi éloigné des « ploucs arriérés » que du jardinage bucolique. C’est une approche assez réaliste de la complexité du monde agricole que propose la série. « Le monde agricole est saturé de fantasmes et cristallise tous les enjeux de notre monde contemporain, décrivent les deux coproducteurs, Augustin Bernard et Toma de Matteis. En explorant le sujet, nous nous sommes rendu compte que nous ignorions une grande partie des contraintes et des mécanismes réels à l’œuvre dans les métiers de l’agriculture et qu’il était trop simple d’opposer schématiquement agriculture biologique et agriculture conventionnelle, élevage intensif et véganisme — en encensant les uns et en dénigrant les autres, comme si le monde agricole reposait sur des rouages simplistes et idéaux. »

Au visionnage, la série a bien réussi cette intention. Par exemple, dans le premier épisode, les élèves lâchent des animaux dans les salles de classe. On ne prétend pas que c’est particulièrement subtil mais c’est réaliste puisque c’est une farce que tout le monde a déjà faite dans un lycée agricole. C’est une occasion de montrer la complexité du rapport avec les animaux. Une des élèves ramène à l’étable le veau qui stresse au milieu du couloir. Elle emploie les bons gestes pour s'occuper de l’animal sans pour autant le confondre avec un animal de compagnie. D’ailleurs le même soir, on voit ce même personnage travailler sur l’exploitation laitière du lycée. Toute en intelligence, cette scène est une des meilleures réponses aux discours qui caricaturent l’élevage.

Jeunesse rurale

C’est aussi une série sur la jeunesse. La mise en scène la montre pleine de vie et de mouvements. Reste à savoir si la jeunesse rurale est particulière. En un sens, non parce que les personnages vivent pleinement dans leur époque. La série n’exclut pas les tensions sociales, le racisme, la recherche d’identité, l’écologie, l’autorité, etc.

Mais, d’un autre côté, elle montre un milieu ignoré : « La jeunesse rurale contemporaine est rarement vue à l’écran, rappellent Augustin Bernard et Toma de Matteis. Beaucoup de fictions sont réalisées dans des lycées généraux et suivent une population urbaine ultra-représentée. Ce qui nous attire dans le lycée agricole est justement ce changement de paradigme : la jeunesse rurale mérite d’avoir enfin sa fiction grand public. »

Un des personnages renouvelle cette intention lorsqu’il s’adresse à Sohan alors qu’il a encore un peu de mal à s’intégrer : « Ici, c’est pas comme les autres lycées. On bosse ensemble, on vit ensemble. »