«Je rencontre des exploitants qui ont entre 40 et 50 ans et qui me disent qu’ils ne se sont même pas posé la question de reprendre ou pas la ferme familiale. Pour soulager leurs parents vieillissants, ils sont revenus sur l’exploitation sans même s’interroger si le métier leur plaisait. Aujourd’hui, on arrive au bout de ce fonctionnement. Cette génération ne veut pas vivre la même chose avec ses propres enfants. Ce n’est, semble-t-il, pas le cas dans votre famille. Pourtant, il faut ouvrir le dialogue entre parents et enfant.

Les premières discussions peuvent démarrer lors de l’orientation scolaire du jeune. « Retourner à la terre et à ma terre » est une décision qui se mûrit. Le goût à l’agriculture va au-delà du choix d’un métier. Je dirais que c’est une vocation. D’ailleurs, dans les formations que j’anime, j’apprends aux stagiaires à s’écouter, à mieux se connaître, à définir leurs centres d’intérêt. Ai-je envie d’être exploitant ? Est-ce un métier qui me plaît ? Je les invite à s’interroger : Qu’est-ce qui fait sens pour moi ? Qu’est-ce qui m’apporte du bonheur ? Vais-je être en capacité de vivre de manière isolée ? Quelles solutions vais-je trouver pour répondre à mon besoin de contacts ?

I l est indispensable de se questionner. Si une personne choisit pleinement de s’installer, on évite les problèmes qui peuvent surgir par la suite. Dans les générations précédentes, ne pas reprendre la ferme familiale était considéré comme une trahison vis-à-vis des ancêtres qui s’étaient sacrifiés à la tâche. II ne faut pas avoir peur de décevoir ses parents, ni se sentir coupable. Mais, il faut être conscient que s’il n’y a pas de reprise, il y a un chemin de deuil à faire pour soi et pour sa lignée familiale.

En outre, je rencontre des femmes qui ont arrêté leur métier pour aider leur mari agriculteur. Elles se sont mises au service de la vocation de leur époux, réalisent parfois des travaux peu valorisants et n’ont pas d’attrait pour cette profession. À terme, ça joue sur l’estime de soi. L’âge avançant, certaines d’entre elles se forment et repartent travailler à l’extérieur. Car il n’est jamais trop tard pour être à l’écoute de soi-même. »

Propos recueillis par Catherine Yverneau

(1) www.ineho.fr.

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