« Du Brésil à la Bretagne, on sème nos luttes paysannes », scandent plusieurs centaines de personnes, de l’esplanade des Invalides à la Tour Eiffel. Les manifestations ont parfois des allures de fête. C’est le cas de la mobilisation contre l’accord commercial entre l’Union européenne avec le Mercosur, organisée par la Confédération paysanne, ce mardi 14 octobre 2025, sous le soleil du début de l’automne et au rythme de slogans technos d’un collectif de musique.

Les quatre tracteurs autorisés par la préfecture ouvrent la marche des 50 organisations de la société civile qui ont répondu à l’appel du syndicat. Une manifestation plurielle qui fait « sa singularité », observe Fanny Métrat, porte-parole de la Confédération paysanne. C’est « la dernière ligne droite » pour construire « un rapport de force » avec l’exécutif, estime son collègue Thomas Gibert.

Christophe Van Hoorne, éleveur dans la Marne et trésorier du syndicat s’estime « directement concerné » par le futur accord. « Même en agriculture biologique, je vais être impacté », assure-t-il. Redoutant l’arrivée sur le marché de viande à bas prix, l’éleveur diversifié craint que les consommateurs ne soient plus prêts à acheter sa viande bovine biologique.

Quand certains font l’effort de mettre un peu plus cher aujourd’hui, « il y aura une trop grande différence de prix » si demain, les viandes bovines d’Amérique du Sud arrivent en nombre sur le marché français. « Aujourd’hui je m’en sors, mais concurrencé par de la viande à dix balles [le kilo], ça ne passera pas. » L’accord prévoit d’autoriser l’arrivée de viande bovine, de volailles ou de sucre à des droits de douane abaissés voire nuls (lire l'encadré).

Olivier Chateauneuf, producteur en cultures végétales et élu au bureau national du Modef, abonde : « Ça nous touche directement, il n’y a pas que l’élevage. Une partie de notre production sert à alimenter le bétail [français]. » Pour l’agriculteur ardéchois, si l’élevage pâtit de l’accord avec le Mercosur, c’est tout le secteur agricole qui risque de voir rouge. Celui qui produit vignes, olives et céréales en agriculture biologique craint aussi un effet boule de neige de l’accord, qui soit élargi à l’avenir à d’autres productions.

L’accord « touche tout le monde », résume Fanny Metrat, même « les citoyens [qui] vont être impactés ». Des étudiants de l’école Agro Paris Tech en semblent conscients. Ils étaient une petite cinquantaine, d’après eux, à avoir rejoint la mobilisation après avoir bloqué leur campus dans la matinée. « Nous sommes pour une agriculture française, locale et respectueuse de l’environnement », explique une étudiante venue « soutenir les paysans », avant de reprendre le chant scandé par la foule. « Moins de Roundup dans la terre, plus de blé, moins de galères ! »

L’accord avec le Mercosur, caricaturé sous l’expression « viande contre voiture », doit encore être validé par les députés du Parlement européen et les ministres au Conseil de l’Union européenne. Les syndicats agricoles espèrent peser de tout leur poids auprès des politiques pour refuser cet accord, qu’ils estiment néfaste pour l’agriculture française.

En plus d’organisations paysannes, de syndicats de salariés, d’organisations environnementales et citoyennes, plus d’une cinquantaine d’élus de gauche étaient présents (LFI, écologistes, socialistes et apparentés). La Confédération paysanne avait lancé un appel aux autres syndicats agricoles. Seul le Modef a répondu présent.