Le dédain de Donald Trump pour le multilatéralisme ne doit pas être mal interprété. Si les états-Unis bloquent le renouvellement des juges de la cour d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ils veillent néanmoins à défendre leurs intérêts dans cette instance. Souvent, quoi qu’ils en disent, avec succès. Ainsi, Washington vient de gagner deux panels contre la Chine à l’OMC, l’un sur le soutien excessif octroyé par ce pays aux producteurs de céréales, l’autre sur sa gestion déficiente des contingents tarifaires à l’importation.
D’où la question : les aides versées aux farmers américains en compensation des pertes subies dans la guerre commerciale avec la Chine violent-elles l’accord sur l’agriculture (AA) à l’OMC ? La réponse est probablement négative, du moins pour le premier train d’aides de 12 milliards de dollars annoncé en juillet 2018. Il comprend en effet 1,2 milliard pour des achats publics de denrées destinées à l’aide alimentaire intérieure, 200 millions pour des mesures de promotion à l’exportation et environ 10 milliards de paiements directs dans le cadre du Market facilitation program (MFP). Or, l’aide alimentaire intérieure, classée dans la « boîte verte » de l’AA, n’est pas soumise à réduction. Les mesures de promotion à l’exportation ne sont tout simplement pas notifiées dans l’AA. Et l’ensemble des paiements MFP et des autres aides censées fausser les marchés, classés dans la « boîte orange », ne devrait pas dépasser le niveau autorisé par l’accord. Certes, les paiements MFP octroyés à certaines cultures, en particulier le soja, sont supérieurs à 5 % de la valeur de la production et ne bénéficient pas, dès lors, de l’exemption prévue par l’AA. Mais la somme des paiements MFP non exemptés à ce titre (estimés à 8 milliards de dollars) et des autres aides de la « boîte orange » (4 à 5 milliards) devrait rester inférieure au niveau permis par l’OMC (19,1 milliards). Quant au second train d’aides de 16 milliards de dollars, dont 14,5 milliards de subventions MFP, annoncé le 23 mai, sa conformité aux règles de l’AA reste à évaluer, mais rien n’indique, à ce stade, qu’il « sorte des clous » à l’OMC.
Les états-Unis montrent ainsi qu’il est possible de prémunir les agriculteurs contre les aléas des marchés causés par des différends politiques, sans enfreindre les disciplines multilatérales. Une leçon pour l’Union européenne, qui hésite encore à faire de la gestion des risques un pilier de la prochaine Pac.