Pour préserver la qualité de l’eau, « le point de départ est le contexte hydrologique dans lequel se situe la parcelle, considère Alain Dutertre, ingénieur hydraulique agricole et qualité de l’eau chez Arvalis. C’est finalement le ruissellement, sans doute l’un des facteurs les plus importants, dont il faut avoir conscience pour comprendre son fonctionnement dans le paysage. »
C’est en effet un phénomène qui se produit à la surface du sol, souvent aux périodes hivernales ou printanières, au moment où les cultures ne sont pas suffisamment développées pour ralentir la lame d’eau. Cette dernière, en se déplaçant, récupère une partie de la charge physique et chimique du sol et crée ensuite une pollution dans le milieu récepteur.
Alterner les modes d’action
Sur une année plus classique que 2024, le spécialiste conseille, lorsque cela est possible, de décaler les périodes d’application avant ou après la saison hydrologique. Comme il existe un lien direct entre le grammage par hectare et la quantité entraînée, une réduction des doses est aussi envisageable. Dans ce cadre, et lorsque les conditions climatiques le permettent, il est possible d’opter pour le désherbage mécanique (lire le témoignage page 53).
La sélection de molécules moins mobiles est une autre option. « Dans le cadre de la demande sociétale, les firmes recherchent aujourd’hui des molécules plus inoffensives pour préserver la ressource en eau, ce qui sous-entend un regard sur l’évolution de la molécule mère et de ses métabolites », estime Alain Dutertre.
La stratégie herbicide mise en place sera évidemment adaptée à la flore présente, avec si possible une alternance des modes d’action au sein de la rotation pour ne pas sélectionner de populations résistantes. Avant toute utilisation de spécialités, il conviendra aussi de vérifier les conditions d’emploi notées sur l’étiquette. Par exemple, le métazachlore ne doit pas être épandu sur sol artificiellement drainé avec une teneur en argile supérieure à 45 %. Et pour éviter le ruissellement des produits à base de propyzamide (Kerb Flo, Ielo…), il est conseillé de ne pas les appliquer sur sol saturé en eau ou trop sec.
Certains produits impliquent par ailleurs la présence de DVP (dispositif végétalisé permanent) ou de ZNT (zone non traitée). Alain Dutertre explique que la mise en place de zones tampons (où l’on retrouve notamment des bandes enherbées et des dispositifs réglementaires tels que DVP et ZNT « eau »...) présente un intérêt certain. Au contact de la surface du sol couvert, l’eau va en effet perdre une partie de sa charge chimique. Pour ralentir davantage la circulation de l’eau, ces zones peuvent être complétées de haies dans les milieux bocagers ou de fossés enherbés peu profonds dans les milieux plus ouverts.
Leviers agronomiques
« On sait aujourd’hui que les techniques culturales simplifiées maintiennent la matière organique en surface, et donc l’activité microbiologique favorable à la rétention et à la dégradation des produits phytos », complète Alain Dutertre. Malgré tout, le labour occasionnel est parfois nécessaire pour venir à bout de graminées, notamment résistantes.
Cultiver au travers de la pente, ou travailler le sol de manière plus grossière pour augmenter sa rugosité, est aussi une clef pour ralentir la circulation de l’eau par ruissellement. Dans ce cadre, le binage peut être intéressant. L’allongement de la rotation, avec notamment l’alternance de cultures d’hiver et de printemps, le décalage des dates de semis (plus précoce sur colza ou plus tardive sur céréales), les plantes compagnes sur colza (lire l’encadré), etc. sont autant de solutions qui peuvent également être mises en œuvre pour contrer les adventices.
« Au-delà du transfert diffus (ruissellement, drainage, infiltrations profondes), la mise en œuvre de ce qu’on a préconisé au cours des décennies 2000 et 2010 (remplissage de la cuve du pulvérisateur, traitement du fond de cuve, destruction des emballages…) va dans le bon sens vis-à-vis du risque de la pollution ponctuelle, juge le spécialiste. Le matériel de pulvérisation a, de plus, beaucoup évolué. »