Le glyphosate est menacé du fait de son statut de premier herbicide utilisé dans le monde. En France, avec 8 903 tonnes, il représente à lui seul 31 % des herbicides vendus (8 903 t sur les 28 930 t d’herbicides en moyenne, sur la période 2011-2014, Agreste). Il est fréquemment retrouvé dans les eaux, sous sa forme de base ou sous sa forme dégradée, et il aurait – ou pas, selon les expertises – des effets néfastes sur la santé humaine (1). Sa période d’autorisation sur le marché européen arrive à terme le 30 juin. Après trois réunions depuis mars 2016 pour fixer le sort du glyphosate en Europe, le comité compétent de la Commission européenne n’a pu se prononcer. Il faut désormais attendre, au plus tôt, les résultats du vote d’un Comité d’appel, qui se réunira le 23 juin à Bruxelles. Sans prise de décision au sein de ce comité, ce sera à la Commission de trancher.

Depuis son arrivée sur le marché dans les années soixante-dix, le glyphosate est devenu un outil incontournable, permettant notamment de « nettoyer » les parcelles avant leur mise en culture. Un substitut du labour, en quelque sorte. Les techniques culturales sans labour, développées sur le continent américain et en progression en France depuis les années quatre-vingt-dix, en sont donc particulièrement dépendantes. En 2011, leurs surfaces représentaient 35 % des superficies de grandes cultures de l’Hexagone (Agreste pratiques culturales, 2014). S’il devait ne pas être ré-autorisé, de nombreux changements des systèmes agricoles actuels seraient à opérer avec, dans certains cas, des impasses. En grandes cultures, les deux tiers des agriculteurs français l’utilisent et 84 % considèrent qu’il n’existe pas d’alternatives à son utilisation (2).

À l’inverse, si sa procédure de ré-autorisation aboutit, compte tenu de l’ampleur de la controverse qu’elle a suscitée, on peut s’attendre à ce qu’il soit plus surveillé, voire assorti de restrictions d’usage. Dans ce cas, limiter son utilisation aux seules interventions pour lesquelles il est la seule solution semble nécessaire pour garantir sa disponibilité à long terme.

Usages

En France, Ludovic Bonin d’Arvalis rapporte que « le glyphosate est surtout utilisé en interculture (70-80 %), en post-semis et pré-levée des cultures (~10 %) et en pré-récolte sur céréales (<10 %), pour gérer les vivaces ». En interculture, il est utilisé l’été après les récoltes, à l’automne sur des chaumes de céréales pour éliminer les repousses, ou au printemps après une interculture longue, pour détruire le couvert ou les adventices.

D’un point de vue réglementaire, les usages qui seraient les plus impactés par l’absence ou la diminution du glyphosate seraient la destruction des couverts (qui est cependant interdite dans certains départements dans le cadre du cinquième programme d’action de la Directive nitrates), et l’application en pré-récolte, qui a fait l’objet de restrictions dans la dernière proposition de la Commission européenne au sujet du renouvellement de la molécule.

D’un point de vue technique, et quel que soit le type de travail du sol, son usage apparaît crucial pour la gestion de certaines adventices vivaces. En techniques sans labour, et en particulier en semis-direct, il est la « pierre angulaire du système ».

Retours du terrain

Au sein de la profession agricole, quand l’éventuel retrait du glyphosate est évoqué, les commentaires vont bon train : « Je ne vois pas comment on pourrait s’en passer sur dicotylédones annuelles et graminées résistantes… Ou alors il faudrait le retour d’anciennes molécules comme le sulfosate ! », juge un spécialiste du désherbage. « Le retrait du glyphosate serait énergivore, chronophage et au niveau de la vie du sol, certainement discutable. Sans glyphosate, le désherbage serait plus cher et moins efficace. Il demanderait une remise en cause dans certains types de sol avec, à la clé, un changement de système », ajoute un ingénieur spécialisé. Autres arguments que nous avons recueillis en enquêtant : « Les alternatives mécaniques coûteront 40-50 €/ha de plus et ne seront pas toujours efficaces. » « C’est paradoxal quand on voit ce que prône l’agroécologie ! » « Le semis direct pourrait disparaître. » Enfin, « ne vaut-il pas mieux du glyphosate sur un couvert bien développé plutôt que le passage d’antigraminées foliaires à 3 feuilles des céréales sur sol quasi nu ? », questionne un conseiller de chambre d’agriculture.

(1) Voir « La France agricole » du 27 mai, page 18.

(2) Sondage ADquation pour la Glyphosate Task Force, mars 2016.