La grippe aviaire frappe de nouveau aux portes des élevages français. Selon Sylvain Comte, vétérinaire et directeur volailles chez Ceva Santé Animale, ce rebond du nombre de cas en France s’explique par « la très forte prévalence du virus chez les espèces sauvages qui voyagent et se déplacent ». Comme en 2021, la migration post-reproduction depuis le pôle Nord exerce une pression précoce : « c’est ce qui explique en grande partie la recrudescence des cas en France. »
Recrudescence des cas en France
Après une fin d’été calme, la situation s’est rapidement dégradée ces dernières semaines avec une mortalité massive de grues cendrées et une hausse rapide du nombre de foyers dans l’Ouest. La France recense désormais 72 foyers de volailles, 9 foyers d’oiseaux captifs et 176 cas dans la faune sauvage depuis le 1er août, rapporte la Plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale (ESA) dans son bulletin daté du 2 décembre 2025. L’épisode du Lac du Der (Marne), où plus de 500 grues ont été retrouvées mortes, marque un tournant avec une « introduction massive de ces virus en France par l’intermédiaire des migrations de grues cendrées » et un risque accru de contamination environnementale, selon l’ESA.
Le premier foyer de grippe aviaire en élevage est identifié le 6 octobre dans le Pas-de-Calais. Très rapidement, des cas isolés sont détectés dans l’Ouest (Vendée, Seine-Maritime, Charente-Maritime et Loire-Atlantique), puis dans le Sud, dans le Lot-et-Garonne au sein d’un élevage de 2 000 canards vaccinés le 15 octobre. Les détections se multiplient ensuite dans l’Est (Côte d’Or, Marne, Haute-Marne) et le centre (Cher, Allier) du pays. Fin octobre, le virus gagne du terrain et trois foyers en élevage sont recensés dans la zone à risque de diffusion en Vendée entre le 30 octobre et le 4 novembre. Des foyers en basse-cour sont également identifiés sur la même période dans le Bas-Rhin, le Loir-et-Cher et l’Aube. Face à cette « recrudescence des cas », le ministère de l’Agriculture a relevé le 21 octobre dernier le niveau de risque pour l’IAHP de « modéré » à « élevé ».
Entre le 17 et le 23 novembre, l’incidence augmente dans la zone à risque de diffusion. En une semaine, 22 foyers en élevage sont confirmés, « soit presque la moitié des foyers détectés depuis le début de la saison », souligne l’ESA. Les foyers se situent principalement dans des élevages de l’ouest du pays, dans les départements de Vendée (12 nouveaux cas), Loire-Atlantique (3), Deux-Sèvres (2) et Maine-et-Loire (1). En parallèle, des foyers isolés sont détectés dans l’Ain, en Côte d’Or ainsi que deux foyers en Dordogne.
Maintenir une biosécurité stricte
Pour freiner la propagation du virus, le ministère a instauré des zones réglementées supplémentaires en Vendée, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire et Deux-Sèvres le 21 novembre. Dans ces zones, des mesures renforcées s’appliquent : mise à l’abri des volailles, surveillance accrue, tests avant mouvement et une troisième dose vaccinale pour les canards, en complément des mesures instaurées dans les zones de protection autour des foyers.
Pour Sylvain Comte, pas de scénario catastrophe, « on ne sera pas dans les 600 000 cas de 2021-2022 ». Le vétérinaire se veut rassurant : « on est serein sur la qualité et l’efficacité de la vaccination ». Les animaux vaccinés présentent « des taux d’excrétion très faibles », permettant d’éviter la diffusion massive observée autrefois. La troisième dose en Vendée vise à « augmenter le taux de couverture » face à un « tsunami de virus ». Une mesure d’assurance comparable, selon lui, au Covid : « ce n’est pas forcément nécessaire en termes de protection, mais on sécurise car trop ne peut pas nuire ». La souche actuelle reste « dans le même groupe immunologique et répond donc à la vaccination ». Résultat : « la vaccination a diminué le nombre de foyers de plus de 95 % par rapport à 2022 », là où certains pays européens peinent à contenir l’épidémie.
Selon l’expert, la vaccination joue un rôle déterminant pour limiter la circulation et l’amplification du virus en élevage, mais elle ne suffit pas à elle seule à contenir l’épizootie. Le virus étant « fortement présent dans l’environnement du fait des oiseaux migrateurs », la biosécurité est essentielle. En Vendée, les infections s’expliquent par la vie quotidienne d’un bassin d’élevage : circulation des opérateurs, tracteurs, flaques d’eau, terre… « il faut être très sérieux sur la désinfection et la biosécurité quand on rentre dans les élevages », insiste-t-il.
Pour autant, « il n’y a pas de quoi paniquer ». Les introductions devraient rester ponctuelles et le calendrier joue en faveur de la filière. Avant Noël, « le taux de charge des élevages est à son maximum », mais dès janvier, la pression baisse avec la diminution des effectifs et la migration repartant vers le sud. « Ce n’est qu’au retour des oiseaux sauvages, au mois de mars, qu’il faudra être particulièrement vigilant. » Dernier point sensible : la vigilance sur le terrain. Les canards « sont très explosifs en termes de quantité de virus et excrètent deux jours avant d’être malades », un danger difficile à anticiper. Sa conclusion est nette : « il faut être extrêmement rigoureux vis-à-vis de la biosécurité. »
Le ministère muscle donc sa stratégie autour de trois priorités : biosécurité renforcée (interdiction de sortie des canards, enlèvements uniques vers l’abattoir), surveillance accrue (dépistage virologique obligatoire avant tout mouvement de canards, oies, dindes), et troisième dose de vaccin imposée en Vendée et dans les zones à risque voisines.
Des indemnisations immédiates
L’ESA rappelle qu’« une attention sans faille de tous les acteurs des filières de production » est indispensable, du couvoir à l’abattoir. Dans un contexte où la faune sauvage accélère la diffusion, les mesures de prévention doivent être « scrupuleusement mises en œuvre ». De son côté, la Confédération française de l’aviculture alerte dans un communiqué du 20 novembre sur les « conséquences économiques graves » pour les éleveurs situés dans les zones de restriction et réclame la reconduction des indemnisations pour l’épisode en cours. « La pression monte fortement sur le terrain. Il nous faut des réponses très rapidement », insiste son président Jean-Michel Schaeffer. Même demande du côté de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs de Vendée, qui réclament dans un communiqué du 17 novembre un dispositif d’indemnisation immédiat et la prise en charge totale de la vaccination : « Les éleveurs ne peuvent pas attendre un an… Ils ont besoin d’un accompagnement immédiat », alertent-ils.