L’Académie de l’agriculture a placé la stratégie européenne « Farm to Fork » au menu de son colloque sur l’état de l’agriculture organisé le 8 février 2023. Deux tendances se faisaient face dans le panel composé pour l’occasion, mais non sans points de convergence. En rappelant les objectifs initiaux du texte, Nathalie Bolduc, chercheuse à l’Iddri (Institut de recherche en relations internationales), a tenté en préambule de désamorcer tout changement de trajectoire. « Les vulnérabilités de l’Union européenne en matière d’alimentation ne sont pas liées à la guerre. Elles sont structurelles. » La pandémie du Covid et surtout le conflit en Ukraine planaient il est vrai au-dessus des débatteurs.
Arnaud Rousseau, présent avec sa casquette de président de Sofiprotéol, a rappelé qu’aucune de ces deux crises n’avaient été anticipées à l’élaboration de « Farm to Fork » et que des ajustements devraient rester possibles. « Dire que rien n’a changé et que la stratégie ne doit pas bouger n’est pas très sérieux. Mais tout balayer d’un revers de main n’est pas sérieux non plus. » Le contexte climatique et l’importance de mieux prendre en compte la biodiversité dans la stratégie alimentaire européenne n’ont été contestés par personne.
Des reproches sur la méthode
Plus offensive, Irène Tolleret, députée européenne et vigneronne, avait entre-temps décoché quelques flèches en direction du texte. « Aucun des objectifs de Farm to Fork n’amène une diminution des coûts de production, ni davantage de rendement. Il faudra donc faire passer des hausses des prix par cinq grandes centrales d’achat qui aujourd’hui s’y refusent. » L’actualité sur les négociations commerciales et l’interdiction des néonicotinoïdes s’invitant par là même au débat.
Un tacle à la Commission
À distance, le chercheur Tomas Garcia Azcarate, du CSIC (CNRS espagnol), a, quant à lui, regretté que la politique ait façonné « Farm to Fork » au détriment des réalités, citant le volet de l’agriculture biologique. « Les services de la commission avaient recommandé un objectif déjà ambitieux de 20 % de surface en bio à l'horizon de 2030. Les commissaires ont ensuite décidé seuls, de le fixer à 25 %. Le volontarisme politique nous place nous, défenseurs de « Farm to Fork », entre deux feux. » Il n’est pas certain que le débat ait fait basculer les opinions sur la stratégie, mais il aura au moins assuré un bon éclairage sur ses faiblesses.