Le 9 septembre 2022, le président de la République a présenté, lors de sa visite à Terres de Jim dans le Loiret, les derniers ajustements concernant la réforme de la gestion des risques. Il avait lui-même lancé cette réforme, il y a un an, lors de l’édition de l’évènement organisé par Jeunes Agriculteurs dans les Alpes de Haute Provence.
Le chef de l’Etat avait annoncé une enveloppe de 600 millions d’euros - en moyenne sur trois ans - dédiée à un système universel de couverture des risques en agriculture, à trois étages. Les risques faibles sont couverts par l’exploitant, l’assurance récolte couvre les risques modérés et, au-delà d’un certain niveau de perte, l'Etat intervient au travers de la solidarité nationale.
Contrairement à l’actuel fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA – ex-fonds des calamités) qui n’intervient que pour les prairies et l’arboriculture, le nouveau système couvre tous les types de productions. Le calcul des pertes est également harmonisé entre les assureurs et la solidarité nationale et s’appuie sur la moyenne olympique. Il s'agit de la moyenne des cinq dernières années en retirant le meilleur et le moins bon résultat.
Franchise plus basse
Emmanuel Macron a confirmé, il y a quelques jours, que le règlement européen, dit Omnibus, serait mis en œuvre. Le niveau de franchise de l’assurance multirisque climatique (MRC) pourra donc être abaissé à 20 % et le taux de subvention des contrats augmenté à 70 % (au lieu de 65 % actuellement). « Je suis pour la solidarité entre toutes les filières, a-t-il martelé. En viticulture ou en grandes cultures, c’est un geste de solidarité, inédit. Mais j’assume car nous avons besoin d’avancer. »
L’objectif est de « créer un appel d’air et une vraie attractivité de ce type d’assurance ». Le chef de l’Etat a même accordé une rallonge de 80 millions d’euros sur le budget du dispositif, qui sera donc de 680 millions d’euros. “ Un état des lieux est prévu fin 2023 pour constater si ce budget de 680 millions d’euros a été dépassé, indique Joël Limouzin, responsable du dossier gestion des risques pour la FNSEA. Mais l’objectif du gouvernement est de tenir l’enveloppe initiale de 600 millions d’euros.”
Désormais, le seuil de déclenchement de l’assurance peut être donc abaissé à 20 % tout en gardant le bénéfice de l’aide à l’assurance récolte. L'exploitant sera donc plus libre de choisir son niveau de franchise. Mais attention, ce choix influe de manière importante sur le coût de la cotisation (voir encadré ci-dessous).
“En grandes cultures, parmi les agriculteurs déjà assurés, environ un tiers, devrait se tourner vers une franchise à 20 %”, estime Jean-Michel Geeraert, directeur du marché de l'agriculture et de la prévention de Pacifica. Actuellement, la majorité des franchises dans les contrats se situe entre 25 et 30 %. “Face à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des aléas climatiques, il faut que les agriculteurs fassent cet effort d’aller vers l’assurance. Pour les agriculteurs non assurés à ce jour, souscrire une franchise de 30 %, est un bon premier pas pour appréhender l’assurance de manière progressive”, poursuit-il.
Seuils du système à 3 étages
Les seuils à partir desquels le fonds national de solidarité interviendra ont été dévoilés, le 17 septembre, par la FNSEA. Une ordonnance devrait être publiée dans les jours à venir. La Première ministre aurait tranché en faveur d’un niveau d’intervention de la solidarité nationale dès 30 % de pertes en prairie et arboriculture et 50 % de pertes en grandes cultures et viticulture. A partir de ces seuils, l’Etat prendrait en charge 90 % des pertes pour les assurés et 45 % pour les non-assurés. “ Pour les non-assurés, il y a un sujet pour peut-être appliquer une dégressivité de la prise en charge des pertes par l’Etat après 2023”, souligne Joël Limouzin.
Les deux principaux assureurs agricoles, Pacifica et Groupama, se disent satisfaits de connaitre enfin les derniers éléments de la réforme. « Les dernières annonces nous permettent de disposer des principaux paramètres pour finaliser le design des contrats, et d’être prêt à endosser le rôle d’interlocuteur agrée dès le 1er janvier 2023 ", a réagi Jean-Michel Geeraert.
Chaque exploitant doit se poser la question rapidement de l’opportunité de s’assurer ou non, car les semis de colzas sont déjà réalisés et ceux des céréales d’automne vont démarrer. Pour les non assurés, “il est encore temps pour les producteurs de colza de souscrire un contrat - jusqu’à la fin du mois d’octobre - sauf si malheureusement la culture est sinistrée par le grand épisode de sécheresse de cet été”, précise Jean-Michel Geeraert de Pacifica.
Il est probable que les contrats s’effectuent à la culture, mais il est difficile à ce stade d’affirmer que les cultures de printemps pourront être assurées si celles d’automnes ne le sont pas. Il est donc important de se pencher sur la question dès à présent, surtout pour les grandes cultures. En arboriculture et prairie, les contrats peuvent être souscrits jusqu’en février-mars, la situation est moins urgente.
Pour les exploitants qui sont déjà assurés, “les contrats MRC déjà actifs devront intégrer les nouvelles modalités. Pour les cultures d’automne, les contrats seront renouvelés en l’état puis transformés dès le début d’année 2023", explique Delphine Létendart directrice assurances de Groupama.
Des points à préciser
La réforme prévoit par ailleurs la création d’un pool d’assureurs au sein duquel ceux-ci partageront les données sur la sinistralité en lien avec l’Etat, dans l’objectif de mieux couvrir les risques. « L’Autorité de la concurrence a donné son aval quant à la création de ce pool, indique Pascal Viné, directeur des relations institutionnelles de Groupama. La porte est donc ouverte à la construction en 2023. Pour l’heure, chaque assureur va gérer son propre portefeuille de risques. »
Le travail sur ce point a donc peu avancé. Les assureurs ont 18 mois, à compter de juillet 2022, pour présenter un projet commun. « Les discussions sont encore en cours sur le pool d’assureur, mais la réforme peut démarrer sans qu’il soit constitué. A ce stade, nous devons concentrer nos efforts sur deux chantiers qui nous semblent prioritaires, à savoir les paramètres techniques de la réforme et les process à mettre en œuvre pour assumer le rôle de l’interlocuteur agréé », précise Jean-Michel Geeraert. Sur ce dernier point, “les agriculteurs devront désigner un interlocuteur pour bénéficier du fonds de solidarité nationale, indique Delphine Létendart de Groupama. Mais pour l’heure, les modalités de mise en œuvre de l’interlocuteur agréé restent à préciser. »
Enfin, l’utilisation de la moyenne olympique pour déterminer le taux de pertes reste un sujet de crispation. Cette méthode repose sur les rendements des cinq dernières années, des résultats plombés par la fréquence et l’intensité des aléas climatiques. Mais le dossier reste complexe à traiter car tributaire de la législation européenne. Si l’ancien ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, s’était dit prêt à entamer le chantier, son successeur ne s’est pour l’heure pas positionné sur la question.