Pour décider du montant des charges fongicides à mettre en place, il convient en premier lieu d’évaluer la nuisibilité attendue. L’investissement à consacrer dépend du prix des fongicides mais aussi de celui du blé. Ainsi, pour une nuisibilité moyenne de 15 q/ha, une dépense fongicide optimisée s’échelonne de 46 à 72 €/ha selon le prix du blé retenu : à 140 €/t, elle est de 56 €/ha. Pour une nuisibilité attendue de 25 q/ha, la dépense s’élève à 87 €/ha.

Arvalis a mis en place un indicateur régional de risque dont l’objectif est d’estimer a priori la nuisibilité des maladies foliaires du blé (rouille jaune, rouille brune, septoriose) pour aider au choix variétal mais surtout pour adapter le programme de traitement envisagé en morte saison, selon les régions. La nuisibilité potentielle est en effet modérée en Champagne-Ardenne quel que soit le profil de sensibilité variétale retenu, mais très forte en Bretagne et en Basse-Normandie.

Résistance variétale

Choisir une variété tolérante peut donc être une première source d’économies, située entre 20 et 45 €/ha. C’est le cas pour le piétin verse, la rouille jaune (lire ci-dessous) ou encore pour la septoriose (le gain de protection moyen est de 30 €/ha a priori). « Dans les conditions de 2016, il était possible d’économiser jusqu’à 45 €/ha par le choix d’une variété peu sensible (note de 6,5) à la septoriose », avance l’Institut technique du végétal. Une bonne connaissance de sa parcelle et l’utilisation de grilles d’évaluation du risque piétin verse (lire encadré page 53) et du risque fusariose peut aussi faire gagner 30 à 45 €/ha.

Pour 2017, Jean-Yves Maufras, spécialiste des fongicides chez Arvalis, conseille dans tous les cas de ne pas déclencher les traitements trop tôt, pas avant le stade deux nœuds, sauf s’il y a une importante pression de rouille jaune qui nécessite un traitement spécifique. Le bon positionnement des interventions contre la septoriose n’est pas anodin : il représente un enjeu de 3 à 7 q/ha. L’objectif final étant de protéger les deux dernières feuilles définitives. Le T1 se positionne ainsi entre deux nœuds et dernière feuille pointante, le T2 entre dernière feuille étalée et épiaison, et le T3 à floraison.

Bien piloter le T1 « septoriose » (grâce aux BSV, à l’outil d’aide à la décision Septo Lis) amène des gains non négligeables : 3,2 q/ha net en moyenne en 2016, soit 45 €/ha, vis-à-vis d’un traitement a priori, selon Arvalis. En pluriannuel, dans le cas d’une stratégie à deux traitements, le gain est de 60 €/ha (de 40 à 80 €/ha). Dans le cas d’une stratégie à trois traitements, le gain est de 25 €/ha (de 7 à 40 €/ha selon le prix du blé tendre).

Impasse sur le T1

A condition d’avoir une année à pression normale, « il reste possible de faire des économies sur le T1, dont le coût moyen avoisine 25-30 €/ha (sauf le chlorothalonil solo) », juge le spécialiste. Dans les essais Arvalis réalisés en 2016, faire l’impasse du T1 puis appliquer Librax 0,8 l/ha + Prosaro 0,6 l/ha (coût du programme : 73 €/ha) donne à peu près le même rendement brut qu’un programme Cherokee 1,33 l/ha + Librax 0,8 l/ha + Prosaro 0,6 l/ha (104 €/ha). De même, pour le programme « impasse au T1 + Librax 0,8 l/ha » versus le programme « Cherokee 1,33 l/ha + Librax 0,8 l/ha ». « En 2016, le poids du T1 était faible car il est arrivé en général trop tôt, explique Jean-Yves Maufras. On obtient le même résultat avec du chlorothalonil en solo au stade 2 nœuds, à 1,5 l/ha (750 g/ha, pour un investissement de 15 €/ha). Toutefois, il ne faut pas dépasser 500 g/ha avant dernière feuille étalée au cas où un deuxième chlorothalonil serait appliqué en T2. Cette pratique est peu courante : c’est une association très technique, il faut être sûr d’intervenir en préventif. »

L’enjeu principal reste le T2, qui représente 80 % des traitements et apporte le plus de gains. « C’est ici qu’il vaut mieux mettre son argent si l’exploitation fait face à des problèmes de trésorerie », considère Arvalis. Dans tous les cas, « il ne faut pas lever le pied sur le T2 », insiste Jean-Louis Maufras. Il doit être positionné au stade dernière feuille étalée. C’est sur ce segment que de nouveaux produits sont disponibles pour le printemps 2017 (lire l’encadré page 56).

En T3, s’il y a un précédent maïs, il convient de traiter. Toutefois, si la variété est peu sensible à la fusariose et s’il n’y a pas de pluies importantes à la floraison, il est possible d’en faire l’impasse, « à condition d’avoir appliqué une dose complète en T2 », insiste Jean-Yves Maufras. Si un T3 est prévu (contre la fusariose et en relais sur feuille), on peut réduire la dose du T2. L’enjeu économique sur cette maladie oscille entre 10 et 30 €/ha.

Construire un programme « a priori »

Dans le cadre d’un programme à deux passages, mieux vaut privilégier la dépense pour le T2 car ce dernier, dans les conditions de 2016, assure 62 % de la protection. En cas de risque tardif d’apparition de la septoriose, comme cela a été le cas ces deux dernières années (à cause du retour des pluies, autour de 3 n œ uds-dernière feuille pointante), il est préférable d’appliquer un T1 à base de triazole + chlorothalonil plutôt que de passer trop tôt avec un SDHI + triazole. Arvalis conseille d’attendre la dernière feuille étalée pour utiliser le SDHI + triazole au T2 en relais car il sera mieux valorisé sur F1. « Il y a un bénéfice, certaines années, à retarder le T1 avec l’outil d’aide à la décision Septo-Lis (en moyenne 10 jours en 2016), avec un gain net de 3 q/ha par rapport au programme a priori (soit 42 €/ha) », chiffre l’institut technique.

Par ailleurs, si le positionnement du T1 est important, c’est également le cas entre le T1 et le T2. « Ces deux dernières campagnes, avec une épidémie tardive de septoriose, il ne fallait pas laisser passer un délai trop important (pas plus de 20 jours) entre le T1 et le T2 à cause de la fréquence des pluies fin avril-début mai », rapporte l’institut technique.

Pour les programmes à trois traitements,même chose : la dépense doit se concentrer sur le T2, avec un SDHI + triazole à partir du stade dernière feuille étalée, qui assure 70 % des gains de rendement. Cette année, le poids du T1 à deux nœuds était limité mais plus important à trois nœuds-dernière feuille pointante pour les variétés sensibles. Le poids du T3 était fort en 2016 pour toutes les variétés testées. Si l’on doit retarder le T1 en année tardive et n’intervenir qu’au stade dernière feuille pointante, là encore, il est préférable d’appliquer au T1 une spécialité à base de chlorothalonil, plutôt que de passer tôt avec un SDHI + triazole. « L’enjeu du positionnement du relais est d’autant plus important que le T1 est positionné trop tôt ou un peu trop tard. Plus la dose du T2 est faible, plus l’enjeu de positionnement est élevé », souligne Arvalis.