L'Union européenne a adopté le 13 décembre 2022 un mécanisme inédit appelé "taxe carbone aux frontières" afin de verdir ses importations industrielles. Comment ? En faisant payer les émissions carbone liées à la production de ces produits importés. Les engrais figurent sur la liste des produits concernés par cette taxe.

Cette mesure consiste à appliquer aux importations des vingt-sept États membres, les critères du marché du carbone européen, où les industriels de l'Europe sont tenus d'acheter des quotas couvrant leurs émissions polluantes. Le dispositif  sera mis en œuvre à partir de 2026 ou 2027, mais les importateurs devront déclarer la quantité d'émissions contenues dans les biens reçus dès octobre 2023.

La fin de la délocalisation des productions

Avec l'envolée du prix de la tonne de CO2 (dioxyde de carbone), l'idée est d'éviter un "dumping écologique" qui verrait les industriels délocaliser leur production hors d'Europe, tout en encourageant le reste du monde à adopter les standards européens. Ce dispositif d'"ajustement carbone aux frontières" "sera un pilier crucial des politiques climatiques européennes (...) pour inciter nos partenaires commerciaux à décarboner leur industrie", explique l'eurodéputé Mohammed Chahim (S&D, sociaux-démocrates).

En pratique, l'importateur devra déclarer les émissions liées au processus de production, et si celles-ci dépassent le standard européen, acquérir un "certificat d'émission" au prix du CO2 dans l'Union européenne. Si un marché du carbone existe dans le pays exportateur, il paiera seulement la différence.

"Le message à nos industries est clair : inutile de délocaliser car nous avons pris les mesures nécessaires pour éviter les concurrences déloyales" en garantissant "un traitement équitable" entre producteurs européens et marchandises importées, a observé Pascal Canfin (Renew, libéraux), président de la commission de l'environnement au Parlement européen.

Des quotas gratuits qui s'amenuisent

Actuellement, les industriels européens se voient allouer des quotas gratuits couvrant une partie de leurs émissions, pour soutenir leur compétitivité face aux concurrents étrangers. À mesure que montera en puissance l'"ajustement aux frontières", les quotas gratuits distribués aux secteurs des engrais seront supprimés.

Un point crucial : en traitant à égalité importations et production locale, Bruxelles estime rester dans les clous des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et contrer les accusations de "protectionnisme". Mais le calendrier de suppression des quotas gratuits, âprement discuté, ne sera abordé que vendredi et samedi dans les pourparlers sur la réforme du marché carbone.

"La réglementation sur l'"ajustement aux frontières" ne pourra être formellement adoptée qu'après avoir résolu ces autres éléments", avertit le Conseil européen.