La Belgique a cette particularité de mener deux plans stratégiques nationaux dans le cadre de la Pac 2023-2027. Pour les agriculteurs wallons, une disposition mise en place dans le cadre des bonnes conduites agroenvironnementales (BCAE) pose un problème. La BCAE 5 vise à orienter les agriculteurs vers des pratiques de conservation des sols et de prévention de l’érosion. Si du côté flamand, la conditionnalité des aides aux mesures anti-érosion s’applique depuis 2015, cette obligation n’entre en vigueur que cette année en Wallonie. Les agriculteurs devront modifier la conduite des parcelles estimées à risque.

Des orientations complexes

Pour les terres agricoles classées à risque élevé, très élevé ou extrême d’érosion, les agriculteurs vont devoir créer des bandes anti-érosion, des couverts végétaux ou encore des « interlignes végétalisées » pour les prairies permanentes. Ils sont également incités à scinder certaines parcelles pour délimiter la partie la plus à risque, quitte à ne plus l’exploiter. Des orientations jugées complexes et qui sont surtout liées à une cartographie officielle des zones à risque d’érosion, largement remise en cause par les agriculteurs.

Les syndicats remontés

Si les agriculteurs wallons ne s’opposent pas sur le principe à ces mesures de lutte contre l’érosion, la méthode ne plaît pas. Plusieurs manifestations ont eu lieu ces dernières semaines, mises sur pied par les organisations syndicales. Marianne Streel, présidente du syndicat de la Fédération wallonne de l’agriculture (FWA), s’inquiète notamment de la baisse de production qui pourrait en découler. « Notre agriculture familiale prend de plein fouet toute une série de conséquences en cascade qui mettent en péril sa durabilité économique, environnementale et sociale », s’alarme-t-elle.

Sous la pression des syndicats, un groupe de travail a été mis en place par le ministre de l’Agriculture wallon, Willy Borsus, avec son cabinet, les syndicats et l’Administration. Le ministre a en outre entrouvert la porte à une révision de la cartographie. « La carte de sensibilité à l’érosion a été établie sur base d’un modèle de calcul solide scientifiquement. Mais elle s’appuie sur une évaluation des sols nus et ça révèle un problème entre l’approche théorique et son approche sur le terrain », admet-il.

La justice en dernier recours

La FWA ne met toutefois pas tous ses œufs dans le même panier et se prépare à saisir la justice si les discussions du groupe de travail n’aboutissent pas. « Modifier, amender à très court terme cette BCAE 5 ainsi qu’atténuer ses effets négatifs sur notre agriculture est plus qu’une exigence », prévient Marianne Streel. Les terres wallonnes perdent en moyenne 2,3 tonnes de sol par hectare non artificialisé chaque année, un total qui a atteint 4 tonnes par hectare en 2021.