Utilisable dans tous les systèmes de production, la méthode du bilan prévisionnel de la fertilisation azotée demeure plus un concept qu’un outil technique. Elle a pour principe de décrire, de façon exhaustive, les entrées et les sorties d’azote au début et à la fin du bilan. L’idée : équilibrer les besoins des plantes avec les fournitures du sol, en les complétant par un apport d’engrais si nécessaire. Développée à la fin des années soixante, elle a été diffusée à partir des années soixante-dix sur céréales et betterave à sucre. En 1990, elle était appliquée sur quinze cultures, trente-six en 1995, et quarante en 2004.

Un premier guide, destiné aux agriculteurs et aux conseillers, a été mis au point dans les années quatre-vingt-dix par le Comifer (*). Depuis, il a été remis à jour à plusieurs reprises.

Malgré « l’âge avancé » de cette méthode, « l’état d’esprit » n’a pas changé. Tous les postes sont minutieusement observés afin de l’améliorer et de sans cesse la faire évoluer. Ces dernières années, elle a notamment complété les bases du raisonnement sur prairies, a mieux pris en compte la matière organique, a intégré le relargage des couverts végétaux ou encore les nouvelles références en matière de colza et les besoins en azote des variétés de blé (voir le tableau ci-contre avec la dernière mise à jour d’Arvalis). Elle a également inclus l’utilisation d’outils dynamiques au cours du bilan (Jubil, Farmstar, Réglette azote, N-Tester, Dualex, Azofert…). Comme elle est par essence évolutive, le Comifer travaille actuellement sur la modification du calcul du terme Mh (minéralisation de l’azote et de l’humus du sol) dans l’équation du bilan prévisionnel d’azote pour fin 2019. Un nouveau modèle de prédiction de Mh est mis au point (Inra). Autre exemple d’amélioration attendue : l’évaluation de la fourniture en azote du sol pour l’endive.

40 % de réussite

S’il s’agit d’un outil obligatoire au sein des zones vulnérables d’un point de vue réglementaire (voir l’encadré), la méthode du bilan prévisionnel reste parfois controversée. Certains la voient comme une contrainte, notamment quand elle a été imposée par la voie réglementaire. D’autres sont moins critiques lorsqu’elle est arrivée par le champ du technique.

« Il faut également garder à l’esprit qu’il s’agit d’un outil de prévision, appuie David Leduc, coanimateur du groupe azote du Comifer. Lorsqu’on ouvre le bilan sortie hiver, on est loin de la récolte et on ne peut pas savoir ce qui va se passer en végétation : verse, maladies, pluies, coup de chaud, etc. »

Sur céréales, le taux de réussite est d’ailleurs de l’ordre de 40 % avec les outils de bilan et ne passe qu’à 60-65 % avec ceux de pilotage dynamique. « En l’état actuel des connaissances, on peut penser que ceux d’ajustement de dose, qui sont amenés à voir le jour (lire pages 46 à 48), vont améliorer les choses mais pas au point d’atteindre un taux de réussite de 100 % », complète le spécialiste, qui estime qu’il s’agit d’outils dans la continuité de la méthode du bilan.

Souvent mal maîtrisée

On le comprend, la méthode du bilan prévisionnel est imprécise par nature et nécessite un niveau de connaissances et de compréhension suffisant ou un accompagnement technique pour faire coïncider les besoins des cultures avec les fournitures. Les pratiques doivent également être optimisées en employant, par exemple, les engrais minéraux dans les bonnes conditions ou en incorporant rapidement le lisier ou le fumier pour une efficience maximale.

Parmi les controverses souvent mises en avant, on retrouve la difficulté de fixer un objectif de rendement. à ce sujet, on peut dire que le débat est clos. En effet, une bonne proportion des agriculteurs en grandes cultures est située en zone vulnérable. Or, il existe une définition dans les arrêtés régionaux. L’objectif doit être calculé comme la moyenne des rendements réalisés sur l’exploitation pour la culture et, si possible, pour des conditions comparables de sol, au cours des cinq dernières années en excluant les valeurs maximale et minimale.

Un autre obstacle est souvent avancé. Il s’agit de l’estimation de l’azote minéral présent dans le sol à l’ouverture du bilan via les mesures de reliquats sortie hiver. Il existe des soucis dans certains types de sols (caillouteux et sableux) et l’azote minéral peut également être lessivé après les mesures… Mais la principale problématique tient davantage aux précautions à prendre pour préserver les échantillons, vis-à-vis de la chaleur essentiellement. Si ce n’est pas le cas, les valeurs peuvent complètement changer et fausser le bilan. « Il faut se rappeler qu’on est dans le vivant et dans le complexe : cela crée donc le doute », considère David Leduc.Céline Fricotté

(*) Comité français d’étude et de développementde la fertilisation raisonnée.