Aléas climatiques, manque de compétitivité économique et de main-d’œuvre… L’agriculture est un secteur particulièrement soumis aux aléas et les risques qui pèsent sur une exploitation agricole sont multiples. Pour maintenir la pérennité de ses activités, un système agricole doit actionner des leviers à la fois économiques, environnementaux, agronomiques et sociaux. L’introduction d’un méthaniseur sur une exploitation agricole entraîne des modifications d’organisation et de pratiques agricoles qui ont un impact sur la performance du système et sur sa capacité de résilience.
55 agriculteurs interrogés
C’est dans ce contexte que le groupe de travail en charge du biogaz du Comité stratégique de filière (CSF) « Nouveaux systèmes énergétiques » (1) a publié une étude en décembre 2022 afin de déterminer quels impacts la méthanisation a sur la résilience des fermes. Les pratiques et changements induits par la méthanisation au sein d’une exploitation ont été traduits en indicateurs pertinents pour appréhender la résilience des exploitations agricoles. Ces indicateurs ont ensuite été évalués grâce à une enquête de terrain auprès de 55 agriculteurs méthaniseurs et des modélisations de cas d’étude.
Des revenus sécurisés
L’étude révèle qu’en situation de stress économique, les exploitations agricoles disposant d’une unité de méthanisation montrent une meilleure absorption du choc économique et une capacité à maintenir un bilan énergétique stable. Elle montre aussi que cette résilience est associée au fait que la méthanisation offre un plus grand nombre de stratégies d’adaptation aux difficultés, notamment grâce à la revente d’énergie, la valorisation supplémentaire des ressources agricoles et la production de digestat qui vient se substituer aux engrais minéraux.
Dans le détail, cette étude met en avant plusieurs facteurs de résilience. Tout d’abord, la méthanisation entraîne une diversification et une sécurisation des sources de revenus, tout en créant des emplois attractifs (en moyenne 2,2 ETP chez les agriculteurs interrogés). La mise en fonctionnement de l’unité permet une montée en compétences de l’exploitant, mais aussi une valorisation des compétences déjà présentes, en élevage notamment.
Moins de dépendance aux engrais
La production du digestat assure une moindre dépendance de l’exploitation aux engrais minéraux et en particulier, une augmentation de l’autonomie azotée. Dans l’étude, si la majorité des exploitations avait une autonomie azotée inférieure à 25 % avant l’installation du méthaniseur, la moitié d’entre elles voient cette autonomie dépasser les 50 % après l’installation.
La substitution des engrais minéraux par du digestat et la revente de l’énergie créée permettent l’augmentation des revenus constatée. L’exploitation est également plus autonome vis-à-vis des marchés des fertilisants et de l’énergie, deux marchés particulièrement volatils.
Allongement des rotations
Toujours selon le CSF, l’intégration d’un méthaniseur entraîne une augmentation du nombre de cultures assolées dans la majorité des exploitations enquêtées et un allongement des rotations, sans que les surfaces agricoles n’aient évolué. Cela conduit à l’introduction de nouvelles cultures dans leurs rotations telles que le maïs ou le seigle.
Dans les élevages, l’étude constate une amélioration de la qualité des fourrages grâce au séchage par la chaleur produite en cogénération. Enfin, un autre point de résilience est la construction d’une stratégie d’alimentation du méthaniseur en cohérence avec le contexte de l’exploitation agricole et le contexte territorial.
Une charge de travail supplémentaire
Si la mise en place d’une unité de méthanisation permet globalement une meilleure résilience des exploitations, l’étude a également mis en évidence des facteurs de vulnérabilité. Ainsi, l’installation d’une unité de méthanisation constitue un atelier supplémentaire qui induit, de facto, une augmentation de la charge de travail qui ne doit pas être négligée. La méthanisation nécessite une main-d’œuvre agricole qualifiée supplémentaire lors des pics de travail (élevage, épandage, ensilage) et une main-d’œuvre spécialisée dans la gestion du méthaniseur.
Plus de charges de mécanisation
En raison du volume plus important à épandre issu de la biomasse méthanisée, la méthanisation engendre une augmentation des charges d’épandage. L’augmentation de la consommation de carburant liée à la méthanisation représente aussi un facteur de vulnérabilité, et ce quel que soit le système (polyculture ou polyculture-élevage). De plus, la méthanisation nécessite du matériel supplémentaire impliquant des investissements conséquents.
Enfin, la mise en fonctionnement d’une unité de méthanisation peut entraîner un antagonisme entre la stratégie de recherche d’autonomie pour le méthaniseur ou d’autonomie pour les autres ateliers, notamment en élevage.
Si l’étude présente des résultats d’enquête plutôt représentatifs de grandes exploitations de la moitié nord de la France, les tendances observées ne peuvent pas être généralisées à l’ensemble des unités de méthanisation françaises.
(1) Animé conjointement par France Gaz renouvelables et l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), le groupe de travail biogaz du Comité stratégique de filière (CSF) est composé d’acteurs de la filière méthanisation et du monde de l’énergie. Il regroupe notamment : l’Association technique énergie environnement (ATEE), GRDF, l’Association d’initiative locale pour l’énergie et l’environnement (AILE), l’Association des groupements de producteurs de maïs (AGPM), la FNSEA, les chambres d’agriculture, La Coopération Agricole et des coopératives comme Valfrance, la Scara ou Dijon Céréales.