Qu’entend-on par génération X, Y… ?
C’est une approche qui vise à placer des gens dans des cases (X, Y, Z) en fonction du contexte économique, technologique, politique, culturel ou religieux dans lequel grandissent ces générations. Après les baby-boomers, la génération X (née entre 1965 et 1978) a grandi avec le choc pétrolier, le chômage, le sida, l’explosion de Tchernobyl, le divorce. On la caractérise souvent de génération sacrifiée. Depuis sa plus tendre enfance, on lui a mis une petite graine dans la tête en lui disant qu’il fallait être fort et travailler dur pour réussir, d’où un surinvestissement au travail. Elle a été élevée dans le concept d’effort/réconfort.
La génération suivante, les Y (nés en 1979 et 1993), a été poussée à la course au diplôme par ses parents pour finalement enchaîner les CDD et les entretiens d’embauche. Elle a grandi avec les attentats (1995 à Paris, New York) et une idée inconsciente en tête que « Je peux mourir demain ». Dans ces conditions, les projets à moyen ou à long terme lui importent peu. Son objectif, c’est profiter de la vie maintenant. D’autant qu’on ne cesse de lui répéter qu’elle n’aura jamais de retraite.
Les générations d’après, la Z (née entre 1994 et 2011) puis la α (née après 2011) se caractérisent, quant à elles, par l’essor des réseaux sociaux et la révolution digitale.
Attention, tout n’est pas à prendre au pied de la lettre car il y a des vieux « jeunes » dans leur tête et l’inverse !
Quel rapport a chacune de ces générations au travail ?
La différence fondamentale entre ces générations se situe précisément dans ce rapport au travail. Il faut cependant arrêter avec les clichés : « Les jeunes sont moins travailleurs, moins motivés. » Ils ont grandi en entendant leurs parents se plaindre de leur travail, se surinvestir au travail pour un avenir incertain. Ils ne veulent surtout pas reproduire le même schéma. En un mot : travailler pour vivre et non pas vivre pour travailler. Le jeune Y n’attend pas pour se faire plaisir. Il dit à ses parents : « Vous aviez des rêves, moi je les réalise. » La jeune génération veut concilier l’épanouissement personnel et le travail. Elle veut donner du sens à ses actions. La jeune génération accorde peut-être moins d’importance à l’expérience et au rapport hiérarchique mais elle est tout autant investie et passionnée. Il faut que le chef d’entreprise lui accorde sa confiance et ne veuille pas à tout prix le faire rentrer dans un cadre qui correspond à la réalité de sa génération à lui.
Avez-vous des conseils à donner aux chefs d’exploitation pour mieux communiquer ?
Les jeunes sont nés avec un savoir disponible instantanément sur le net. Ils sont persuadés que vous n’avez rien à leur apprendre, qu’ils ont tout appris avec les réseaux sociaux et leurs pairs. Et ce, alors même qu’ils ont été élevés par des parents « hélicoptères » qui supervisent tout et interviennent dès qu’il faut régler un problème. La méthode des 5 C (C’est Con mais C’est Comme Ça) ne peut pas être utilisée. Et autant dire que la position du manager qui a réponse à tout et fait valoir son expérience ne fonctionne pas avec eux. Le jeune Y attend avant tout de son manager de l’écoute. C’est normal, depuis tout petit on lui demande son avis sur tout (sur internet notamment). Cette génération dit tout ce qu’elle pense tout le temps et c’est une erreur de penser que le manager peut en faire de même. L’écoute est un exercice difficile mais c’est une mine d’or pour le chef d’entreprise qui sait en tenir compte. La clé pour avancer avec lui : « Qu’en penses-tu ? Que proposes-tu ? » En résumé : apprenez au jeune à pêcher plutôt que de lui donner du poisson.
Comment réussir à fidéliser ces jeunes ?
Les entreprises ont de plus en plus de mal à garder les jeunes qui passent très vite d’une entreprise à l’autre. Il faut vraiment se poser la question d’adapter ses pratiques managériales. Le manager doit devenir un véritable coach, connaître ses équipes et créer une relation individuelle avec ses salariés. Cela passe par exemple par un entretien une fois par mois, en face-à-face, pour prendre la température : « Comment se sont passées les quatre dernières semaines ? Comment te sens-tu ? Qu’est-ce qui pourraient être améliorés ? » En un mot, il faut investir la qualité de la relation humaine. Certains agriculteurs pensent qu’ils n’ont pas le temps pour cela. Mais en 2030, 75 % des actifs seront issus de cette génération. Demain, les exploitations qui n’auront pas réussi à se tourner vers elle risquent de le payer très cher. L’équilibre est défavorable aux agriculteurs, c’est donc à eux de faire le premier pas.
Julien Estier est intervenu le 6 juin 2019, à Carhaix (Finistère), à l’occasion des assemblées générales des groupements d’employeurs à vocation de remplacement Sdaec et Terralliance.