Quand il fait appel, en 2016, à la chambre d’agriculture de l’Indre-et-Loire pour le recrutement d’un salarié, Dominique Gibon espère trouver « une roue de secours », confie-t-il. « J’avais besoin de quelqu’un en urgence sur la ferme. Je me suis dit : “Essayons”, tout en pensant continuer à chercher la bonne personne. »
Face à une pépinière de futurs salariés
L’éleveur laitier s’adresse ainsi à « Cap main-d’œuvre », une pépinière de futurs salariés, lancée en 2012 par la chambre d’agriculture. S’il pense d’emblée « roue de secours », c’est que les candidats n’ont pas un profil typique : ils ne sont pas issus du monde agricole, et la plupart n’ont pas encore suivi de formation.
La chambre d’agriculture leur propose toutefois une sorte de sas de transition avant l’exploitation : une formation, dans un centre spécifique, de 28,5 jours et deux semaines de stage en élevage, caprin ou bovin lait – les deux secteurs qui rassemblent la majorité de besoins en recrutement de la région.
« Nous sommes transparents à l’égard des éleveurs, explique Emmanuelle Renaud, responsable du service territoires-formation à la chambre d’agriculture de l’Indre-et-Loire. Ce n’est pas au bout de 29 jours que les candidats seront 100 % autonomes et capables de réaliser toutes les tâches sur une exploitation. Les formateurs font en sorte qu’ils acquièrent “les premiers gestes”, un savoir-être également. L’exploitant est ensuite amené à les accompagner et à les former. » D’où l’idée d’un recrutement provisoire, au départ, dans la tête de l’éleveur Dominique Gibon.
Il récidive
Mais l’agriculteur du Louroux a fait finalement trois fois appel à « Cap main-d’œuvre », depuis son lancement. « Il y a cinq ans, je recherchais une main-d’œuvre temporaire donc, à la suite d’un accident, se souvient-il. Ils étaient une douzaine en lice, et j’ai pris un jeune homme. Mais ça ne s’est pas bien passé, question de tempérament. Dans le même temps, une jeune femme de la même promotion m’avait dit qu’elle était intéressée pour bosser chez moi. Elle a insisté. Elle est venue, et cela s’est tellement bien passé qu’elle est restée trois mois au lieu des quinze jours prévus. »
Le grand saut, Dominique le fait en 2016, en engageant cette fois-ci un salarié en CDI, via Cap main-d’œuvre. « Ça s’était tellement bien passé que j’ai récidivé », s’amuse l’agriculteur. Simon, aujourd’hui âgé de 34 ans, changeait alors d’orientation. « Il avait déjà travaillé, mais dans un tout autre métier. Il a une maîtrise d’aménagement du territoire. Il ne venait pas du monde agricole, c’était une reconversion. »
Sans a priori
Pour Dominique Gibon, l’expérience est « très satisfaisante. En réalité, ça dépend du niveau d’exigence de chacun ». L’éleveur laitier souligne que l’autonomie peut mettre du temps à s’acquérir. « Être paysan, c’est une culture, les gens qui baignent dedans depuis tout petit ont déjà des réflexes d’entreprise. C’est plus qu’un boulot, c’est aussi une façon de penser, de se débrouiller. » Mais le fait de recruter hors monde agricole est aussi intéressant, selon lui. « L’avantage est que les personnes qui ne sont pas du métier n’ont pas d’a priori, ils n’ont pas encore de mauvaises habitudes, ou de références. De ce point de vue, c’est plus facile de leur apprendre sa manière de faire et de voir. »
À 62 ans, Dominique Gibon envisage désormais son départ à la retraite. Il pourrait à nouveau faire appel à Cap main-d’œuvre : la formation forme autant de futurs salariés que de futurs installés. Elle est aussi l’occasion, reprend Emmanuelle Renaud, de la chambre d’agriculture, de faire le point, de se tester : quand certains candidats ont abandonné dès les premiers jours ou à l’issue de la formation, d’autres qui se projetaient salariés, se sont finalement installés. Au total, depuis sept ans, environ 80 stagiaires ont suivi la formation. Et une trentaine ont été engagés en CDD ou CDI sur les exploitations, par le service de remplacement ou encore le groupement d’employeurs du département.