Il avait été recruté seulement quelques mois plus tôt, quand un salarié de 49 ans est décédé l’été dernier sur une exploitation de la Remaudière, en Loire-Atlantique. L’homme s’était retrouvé coincé sous son tracteur. Il avait mordu l’accotement, et le véhicule, sans cabine, s’était alors renversé.

Dans la Saône-et-Loire, c’est un chemin très escarpé qui serait à l’origine du renversement d’un autre tracteur, en septembre dernier, sur une ferme de Dezize-lès-Maranges. À son bord, le salarié agricole s’était retrouvé coincé sous le véhicule. Conscient à l’arrivée des secours, l’homme était décédé deux heures après l’accident.

« Une formation à la conduite d’un tracteur ne doit pas s’arrêter à la manipulation des manettes »

Chaque année, les renversements de tracteurs sont responsables d’une trentaine de morts. Et si la majorité concerne les exploitants, « parce que conscients le plus souvent du danger, ils se chargent eux-mêmes de conduire leur tracteur », explique Arnaud Calmès, conseiller en prévention à la MSA Midi-Pyrénées Sud, les salariés n’en sont pas moins épargnés.

En tant qu’employeur, des mesures peuvent être mises en place pour éviter l’accident, sur le vieux comme sur le plus récent des tracteurs.

1. Former son salarié à la conduite du tracteur

Aucune formation externe ne suffit en tant que telle. Il revient donc à l’exploitant agricole de former en interne ses salariés à la conduite du tracteur. Des consignes s’imposent, rappelle la MSA. Au volant d’un tracteur, il est notamment recommandé de rappeler de :

  • relâcher l’embrayage en douceur pour les manœuvres,
  • ralentir avant de tourner et d’éviter les virages courts et soudains,
  • s’assurer en descente que le pont avant est enclenché pour les tracteurs à 4 roues motrices,
  • choisir une vitesse lente avant de s’engager dans une pente et utiliser le frein moteur,
  • ne jamais débrayer en descente, ne jamais descendre en roues libres,
  • lors de travaux avec des outils déportés (du type faucheuse, rogneuse), privilégier toujours les équipements du côté de l’amont dans les pentes les plus fortes,
  • débloquer le différentiel sur la route,
  • circuler avec des outils le plus près possible du sol.

Arnaud Calmès (MSA Midi-Pyrénées Sud) : « Un arceau de sécurité ne va pas empêcher le tracteur de se coucher, mais il peut lui éviter les tonneaux. »

« Le centre de gravité du tracteur doit être le plus bas possible », précise Arnaud Calmès. Différent d’un tracteur à l’autre, ce centre de gravité change sur un même véhicule, dès lors qu’il est équipé d’un outil ou d’un chargeur frontal. « Avec une balle de paille sur un chargeur frontal, le tracteur qui tourne brusquement avec une vitesse excessive, peut se renverser, car son centre de gravité s’est considérablement élevé. Même risque avec un outil porté arrière. »

2. Vérifier le matériel

L’autre point de vigilance à transmettre par l’employeur au salarié concerne la vérification préalable du matériel. Le conducteur doit en effet :

  • vérifier l’état du tracteur : usure des pneumatiques, les freins, le jeu dans la direction,
  • s’assurer que le tracteur (poids, puissance, capacité du relevage, charge maximale remorquable) est adapté à l’outil attelé,
  • ne pas charger excessivement les remorques,
  • préférer un tracteur à 4 roues motrices pour les travaux en pente ou en dévers,
  • lorsque cela est possible, écarter les roues arrière pour avoir un empattement maximum, ou utiliser le jumelage,
  • accroître la stabilité du tracteur en le surchargeant judicieusement avec des masses à l’avant ou sur les roues,
  • proscrire la présence d’objets en cabine (tronçonneuse, caisse à outils, extincteur),
  • ne pas prendre de passagers.

3. Indiquer les zones dangereuses sur l’exploitation

L’employeur est tenu par ailleurs d’évaluer les risques professionnels sur son exploitation, notamment d’identifier les chemins d’accès et parcelles potentiellement dangereux en raison d’une pente, de la présence d’un ravin, d’un endroit humide, d’une ligne électrique, etc. Tous ces éléments sont à retranscrire dans le document unique d’évaluation des risques. « C’est une trace écrite, explique Arnaud Clames, qui facilite la transmission des consignes. Tous les travailleurs pourront s’appuyer sur ce travail de prévention mené par l’exploitant. »

Une fois les zones à risque identifiées, il est recommandé de :

  • réserver un espace suffisant pour les manœuvres en bout de champ, notamment lorsque le sol y est accidenté,
  • éviter de s’approcher à proximité des fossés ou des rivières et là où les talus peuvent s’effondrer sous le poids du tracteur,
  • éviter de s’aventurer sur des pentes trop raides ou trop glissantes, comme les prairies humides.

4. Avec ou sans ceinture ?

Depuis le 1er janvier 2010, une structure de protection contre le renversement est obligatoire sur les tracteurs en service sur les exploitations (5 décembre 2002 pour les tracteurs conduits par des salariés, des stagiaires, etc.). A minima, c’est un arceau de sécurité, mais cela peut être une cabine. « L’arceau ne va pas empêcher le tracteur de se coucher, mais il peut lui éviter les tonneaux. Le recours à un chargeur frontal nécessite une cabine, l’arceau, seul, dans ce cas, ne suffit pas car il ne protège pas contre la chute d’objet. »

Mais pour que l’arceau soit efficace, encore faut-il que le conducteur ait une ceinture de sécurité. Jusqu’à encore très récemment, les tracteurs n’en étaient pas équipés au moment de leur mise sur le marché. Néanmoins, depuis 2006, les tracteurs comportent des points d’ancrage permettant l’installation aisée d’une ceinture ventrale. Un guide indiquant comment équiper les tracteurs plus anciens est disponible sur le site internet du ministère de l’Agriculture.

La MSA conseille de :

  • boucler sa ceinture de sécurité pour éviter d’être éjecté en dehors de la zone de survie,
  • en cas de renversement, se cramponner et ne pas tenter de sauter,
  • et de ne pas percer les structures de protection, ni de les souder.

« La conscience de la dangerosité s’étiole avec l’habitude, rappelle Arnaud Calmès. Quand on a vu son père travailler une parcelle pendant trente ans, et que soi-même on le fait depuis toujours et qu’il ne nous est jamais rien arrivé, l’habitude nous rend souvent moins vigilant. C’est à ce moment-là qu’il faut se souvenir des recommandations. »

Rosanne Aries