Julie Pouivet est la directrice du GEIQ agricole Limousin-Périgord, créé en 2006. Ce Groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) met à la disposition des entreprises agricoles des salariés en formation en alternance.

L’équipe comprend huit salariés, dont quatre conseillers en insertion professionnelle, chargés de l’accompagnement et du développement. Ils interviennent dans quatre départements : Corrèze, Creuse, Dordogne et Haute-Vienne, auprès d’une centaine d’ouvriers agricoles (85 équivalents temps plein), et 250 entreprises agricoles dont 80 % sont des éleveurs bovins.

Quels sont les profils des personnes en insertion sur votre secteur géographique ?

Avec l’évolution de la société, tout le monde peut avoir des difficultés à rechercher du travail aujourd’hui, tout le monde est susceptible d’être en insertion professionnelle. Nous parions sur le potentiel d’une personne, pour lui donner une deuxième chance.

Il s’agit de jeunes sans qualification, de chômeurs de longue durée, d’anciens détenus ou des personnes en reconversion professionnelle. Nous avons des diplômés — bac + 5 — qui aspirent à un retour à la terre.

Nos adhérents agriculteurs apprécient notamment les anciens du secteur du BTP, habitués au travail physique et en extérieur. Pour les missions de maraîchage, la transformation et la commercialisation, les femmes sont davantage présentes. Le GEIQ se charge de recruter pour ses entreprises.

Nous pouvons recevoir plusieurs candidats avant d’en présenter à une entreprise. Ensuite, après une première rencontre informelle, l’agriculteur valide ou non. Nous proposons des stages afin d’y aller étape par étape.

Quelles questions faut-il se poser avant de les accueillir sur la ferme ?

Demandez-vous si vous êtes prêt à former quelqu’un. Il faut pouvoir organiser sa journée de travail et préparer la journée de travail d’une deuxième personne. Ensuite, il est important de rythmer avec des temps de consignes et de bilans, pour s’assurer que le salarié peu à peu prend confiance.

S’il ne fait pas preuve d’initiatives au début, c’est normal. Il ne connaît pas l’entreprise. En fin de journée, prenez ensemble un moment de recul. Sans pointer que les points négatifs, précisez : là ça va bien, là vous êtes en progression, et fixez des objectifs modérés.

Comment l’agriculteur doit-il délivrer les consignes ?

Expliquez même ce qui vous semble évident. S’il faut ranger tel outil à tel endroit, le salarié ne peut pas le savoir si ce n’est pas dit. Quand vous donnez une consigne, poser la question pour être sûr d’avoir été bien compris. Faites reformuler : et là, tu dois faire quoi ? Une personne peut ne pas oser dire qu’elle n’a pas compris.

Quand il y a plusieurs consignes à la fois, certains salariés mémorisent d’autres pas. Adaptez-vous, et indiquez étape par étape : tu donnes à manger aux bêtes puis tu reviens me voir. Vous vous assurez que la tâche est terminée. Ensuite, vous allez ensemble à la tâche suivante, le nettoyage, etc.

Comment réagir si la personne est en retard ?

Observez si le salarié est affecté par son retard, ou pas. Est-ce la première fois ? A-t-il un problème de transport ? Si c’est récurrent, nous rappelons les engagements de départ au salarié et surtout nous essayons de comprendre les raisons de ce retard. Nous sommes là, pour permettre la bonne continuité du contrat.

Nous ne faisons pas que du social. Le salarié doit dégager une valeur économique. L’agriculteur qui accueille sur son exploitation une personne en insertion n’est pas tout seul. Nos conseillers rendent visite à la ferme et nous prenons en charge la partie administrative de l’emploi.

Ce type de contrat apporte-t-il des bénéfices à long terme ?

En fonction des personnalités du salarié et de l’agriculteur, nous nous efforçons de former un duo qui fonctionne. De belles histoires se tissent quand on s’intéresse à l’autre. Accueillir la différence apporte humainement beaucoup. Le salarié est parfois logé sur place, en immersion dans la vie familiale.

Les personnes en reconversion, qui ont une maturité professionnelle, des compétences transposables, de l’autonomie et une tête qui analyse sont très appréciées par la nouvelle génération d’agriculteurs. Majoritairement, un contrat en alternance se transforme en embauche sur l’exploitation.

Tous les ans, des salariés reprennent des exploitations au moment du départ en retraite de l’exploitant. Ils leur laissent leur outil de travail en confiance, c’est rassurant pour les deux. D’autres, s’associent avec leur ancien tuteur. Aujourd’hui, nous avons même d’anciens salariés, devenus exploitants, qui souhaitent à leur tour former et accompagner des personnes. Dans ces moments-là, on se dit que le GEIQ a fait plus que son travail !

Propos recueillis par Alexie Valois