Berger à Arette dans les Pyrénées-Atlantiques, Pierre Camou-Ambille emploie un saisonnier depuis qu’il n’a plus d’aide familiale pour garder le troupeau en estive. « La cabane se situe à une vingtaine de kilomètres de la ferme, explique-t-il. Elle est accessible en 4x4 mais je ne peux pas faire la navette tous les jours. » Alors, il est tenu d’accorder une confiance absolue à son saisonnier qui reste plusieurs mois seul avec le troupeau et avec toutes les responsabilités qui en découlent.
Pierre Camou-Ambille recrute grâce au bouche-à-oreille : « Je n’avais pas beaucoup de candidats, reconnait-il. Des “gens du pays” se sont présentés. Ils étaient motivés. C’était le plus important. Je ne cherchais pas forcément des personnes formées. » Les deux premières recrues font respectivement deux et trois saisons puis partent pour un temps plein ailleurs.
La troisième recrue est restée et vient de faire sa dixième saison chez Pierre Camou-Ambille : « L’hiver Jean-Marie exerce en tant que perchman à la station de ski… Cette complémentarité lui convient. C’est une chance pour nous car je n’ai pas la capacité pour proposer davantage qu’un contrat de trois mois. La fidélisation des saisonniers reste difficile chez les bergers. »
Trois semaines en commun
Le contrat saisonnier démarre le 1er juin. Pendant trois semaines, employeur et employé travaillent ensemble sur l’exploitation. Cette période commune avant le départ en estive reste très importante pour s’adapter (ou se réadapter) au troupeau alors que Pierre Camou-Ambille est en plein fanage.
Là-haut, passé la première semaine où il y a du travail pour deux, le chef d’exploitation ne monte plus qu’une fois tous les dix jours, pour le ravitaillement et quelques travaux. Pendant un mois le salarié ne redescend quasi pas. Il retrouve du temps libre en août, quand toutes les brebis sont taries.
Tous les jours au téléphone
« Chaque fois, mes salariés sont devenus très vite autonomes et ont pris la responsabilité du troupeau », précise Pierre Camou-Ambille. Tout est question de confiance et d’entraide : « Ce sont des valeurs auxquelles je tiens beaucoup, insiste-t-il. Je leur laisse toute liberté pour faire le travail mais je suis toujours là s’il y a besoin. Sans cela, ça ne fonctionnerait pas. » L’exploitant n’a jamais eu besoin de fixer des consignes ou de recadrer le personnel.
En revanche, les échanges téléphoniques sont quotidiens : « Nous utilisons nos portables depuis le début car il y a du réseau à la cabane. On s’appelle, lui ou moi, même sans raison particulière. Parfois nous échangeons des photos. Ainsi nous maintenons le contact et le lien social. »
Le salarié veut plus de travail
Pierre Camou-Ambille a aussi fait preuve d’ouverture aux demandes des différents salariés. Par exemple au départ, il ne cherchait qu’un simple « gardien de troupeau » : « Par commodité, on ne faisait plus de traite en estive… Mais mon premier salarié s’ennuyait et voulait faire plus ! Résultat, nous avons relancé la traite manuelle et la transformation fromagère. »
Quelques années plus tard, il modernise l’estive avec une machine à traire mobile : « Ce fut un gain de confort formidable pour le salarié ! Sans oublier que nous n’avions plus à subir cette première semaine d’estive compliquée où il fallait réhabituer les brebis à la traite manuelle. »
Une convention collective spécifique
Pour régir cet emploi de « berger salarié en estive », Pierre Camou-Ambille s’appuie sur une convention collective locale spécifique : « Elle existe depuis environ cinq ans. Nous avons établi des forfaits horaires et des salaires planchers en fonction du niveau de travail demandé », résume Pierre Camou-Ambille. Cela va du gardiennage simple avec le berger à l’autonomie complète avec traite et transformation fromagère.
La convention donne aussi des règles de logement et d’équipements professionnels du salarié. « Ce cadrage du métier avec ses spécificités est positif pour une embauche, note Pierre Camou-Ambille. Il rassure le salarié et le valorise car son travail est mieux reconnu avec des règles claires et identiques pour tous. » Ainsi, Jean-Marie qui assure seul la traite et la fabrication du fromage est classé au plus haut niveau, soit un forfait temps de travail hebdomadaire de 45 heures dont 10 heures supplémentaires majorées et récupération des congés.
Avec le temps, Jean-Marie et Pierre ont développé une relation de confiance primordiale. Mais le berger à temps plein le sait bien : on se plaît en estive quand on aime une certaine solitude et une liberté de mouvement. Alors il vaut mieux être un « patron » capable de « lâcher la bride » pour laisser son employé « faire le job ».