Quelle est l’innovation principale de la convention collective nationale de la production agricole ?
Incontestablement, le caractère innovant de la convention collective nationale réside dans son mécanisme de classification des emplois. Elle place l’agriculture dans les secteurs les plus ambitieux sur ce point.
Elle repose sur l’évaluation objective des compétences nécessaires à l’emploi considéré. Elle demande donc de partir de l’emploi et non de la personne qui occupe, ou occupera, le poste. C’est vraiment le cœur de ce texte.
Quel en est l’intérêt de l’agriculteur ?
Dans un premier temps, l’agriculteur employeur a intérêt à s’emparer de ce texte le plus tôt possible — rappelons qu’il s’appliquera sur la feuille de paye d’avril 2021 — parce qu’il se préserve d’un risque de litige avec un salarié qui trouverait qu’elle est mal appliquée ou avec les contrôleurs de l’inspection du travail.
Mais je crois aussi que l’employeur peut utiliser la convention collective nationale de façon très positive pour son management. Il doit se poser la question : comment je peux m’en servir pour mieux appréhender les compétences et les évolutions de mes salariés. En ce sens, c’est un outil précieux de gestion des compétences et des emplois.
Le texte de convention collective nationale est adopté. Pour l’agriculteur employeur, il est l’heure de se sécuriser d’un point de vue juridique.
Nathalie Bonduel, directrice du service employeurs du Cerfrance Poitou-Charentes
Comment l’employeur peut-il s’en emparer ?
Les agriculteurs employeurs peuvent bénéficier des formations ou des webinaires qui se multiplient depuis la signature de la convention. Ils sont les destinataires de ces événements qui sont conçus pour faire la pédagogie de ce texte.
S’ils veulent aller plus loin, ils peuvent solliciter un accompagnement spécifique sur les ressources humaines au sein de leur exploitation. Ils ne doivent pas craindre de se faire assister pour s’emparer de ce texte.
Cette convention est-elle une usine à gaz ?
Comme la convention collective nationale touche aux relations humaines, il n’est pas surprenant qu’elle soit complexe. Elle demande à l’employeur de mener un processus en six étapes : la qualification du poste, l’évaluation de la maîtrise des compétences, le calcul du coefficient d’emploi, l’estimation du salaire minimum et la détermination de la catégorie socioprofessionnelle.
C’est bien pour accompagner les agriculteurs et les salariés que plusieurs outils informatiques ont été créés ces dernières semaines. Au Cerfrance, nous pensons qu’il faut accompagner les agriculteurs avec un conseil en ressources humaines. Au final, il ne faut pas oublier que ce travail est au service de l’attractivité des métiers agricoles. Ils peuvent vraiment attirer des bons profils si les compétences sont reconnues en y associant une rémunération à sa juste valeur, ce qui est l’objectif de cette convention collective nationale.
Si elle conduit à une augmentation du salaire, l’employeur peut-il la différer pour affronter ses difficultés de trésorerie ?
C’est strictement impossible. La convention collective nationale s’appliquera dans toute la France sur la feuille de paye d’avril. J’ajoute que l’employeur devra aussi articuler la grille nationale avec les anciennes conventions collectives locales, qui se transforment en accords étendus locaux, en particulier pour les montants des primes ou du treizième mois. Le principe qui s’appliquera est celui du droit du travail en général : application de la règle la plus favorable au salarié.
Faut-il s’attendre à des recours juridiques après avril ?
Un salarié qui estimerait que la qualification de son poste n’est pas reconnue serait tenté d’entrer en litige avec son employeur. À ce risque, s’ajoute celui d’un redressement après un contrôle administratif, en particulier de l’inspection du travail. C’est pourquoi les employeurs doivent bien se former ou se faire épauler afin de maîtriser la convention collective nationale et l’appliquer scrupuleusement. Désormais, le texte est adopté. Pour l’employeur, il est l’heure de se sécuriser d’un point de vue juridique et de s’en emparer pour en faire un outil de management de son personnel.