C’est la deuxième partie de la réforme de l’assurance chômage après une première vague de mesures en novembre 2019. Des nouvelles règles d’indemnisation des chômeurs avaient été prises puis suspendues par la crise liée au Covid-19 : durée minimale de travail, rechargement des droits, dégressivité des allocations de chômage pour les hauts revenus, ouverture des droits aux salariés démissionnaires et aux travailleurs indépendants.

Les difficultés de leur mise en place, l’opposition farouche des syndicats de salariés, l’annulation de deux mesures par le Conseil d’État, les élections au Medef, la crise du Covid-19 qui s’éternise : tout ça avait conduit à repousser la suite de la réforme à… on ne savait plus vraiment bien quand.

Finalement, les discussions entre les partenaires sociaux et le gouvernement ont abouti, le 2 mars 2021, à une application du reste de la réforme, même aménagée pour tenir compte de la crise post-Covid, à partir de l’été 2021.

Qu’est-ce qui change ?

  • Un durcissement de l’ouverture des droits : il faudra quatre à six mois de travail sur les 24 derniers mois (augmentés d’une période de neutralisation liée aux confinements) pour ouvrir les droits à l’indemnisation. Ce régime entrera en vigueur au plus tôt au 1er octobre. Il dépendra d’une amélioration du marché de l’emploi appréciée sur six mois à partir du 1er avril. Il faudra qu’il y ait à la fois une baisse du nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A de 130 000 sur six mois et 2,7 millions d’embauches de plus d’un mois sur quatre mois ;
  • Un nouveau mode de calcul : à partir du premier juillet, le salaire journalier de référence sera modifié. Il sert de base de calcul au montant de l’indemnisation des chômeurs. Selon le gouvernement, l’indemnisation est actuellement plus favorable aux personnes alternant contrats courts et inactivité qu’à celles travaillant en continu ;
  • Une dégressivité de l’allocation pour les hautes rémunérations : les salariés de moins de 57 ans de plus de 4 500 euros mensuels brut connaîtront une réduction de leur allocation de chômage de 30 %. Cette mesure interviendra au bout de huit mois à partir du 1er juillet, délai ramené à six mois en fonction de l’amélioration des deux indicateurs cités ;
  • Un bonus-malus : comme envisagé dès le départ, un mécanisme de bonus-malus (de 3 % à 5 % de la masse salariale) sera appliqué sur la cotisation chômage des entreprises dans sept secteurs grands consommateurs de contrats courts (l’agriculture n’est pas concernée mais l’agroalimentaire l’est) sera appliqué en septembre 2022 après une période d’un an d’observation du comportement des entreprises. Seules les entreprises de plus de onze salariés sont concernées.

Quels objectifs poursuit la réforme ?

Selon le gouvernement, cette réforme doit permettre de faire des économies, de l’ordre d’un à 1,3 milliard d’euros par an selon ses projections. Elle répond à trois objectifs majeurs :

  • lutter contre le recours abusif aux contrats courts avec le bonus-malus sur les cotisations de chômage pour les entreprises afin de les inciter à embaucher sur des emplois de longue durée ;
  • faire en sorte que le travail paye plus que l’inactivité en établissant de nouvelles règles d’indemnisation qui incitent à la reprise de l’emploi ;
  • renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi avec le recrutement de nouveaux conseillers par Pôle Emploi et la mise en place de deux demi-journées d’accompagnement intensif.

La réforme se fera-t-elle vraiment ?

La réforme de l’assurance chômage n’est pas née dans une ambiance de saine quiétude. Les syndicats de salariés y sont assez unanimement opposés. Les nouveaux aménagements du texte et des délais ne semblent pas avoir apaisé le climat. « La réforme reste injuste, anachronique, incohérente et déséquilibrée, a commenté le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, avant d’envisager un recours en Conseil d’État. Ce ne sont pas les règles de 2019 qui étaient encore plus dures mais c’est une réforme qui va faire beaucoup de mal. C’est un choix politique pour faire la réforme pour la cocher mais ça paraît un peu hors sol. »

Le gouvernement avait repris la main après une négociation sociale très encadrée qui avait abouti à un échec en 2019. L’opposition reste encore très forte. Le durcissement de l’ouverture des droits, déjà appliqué entre novembre 2019 et juillet 2020, pénalisait particulièrement des jeunes ou des saisonniers qui multiplient les contrats courts (CDD ou mission d’intérim), souvent avec le même employeur qui les réembauche.

Par ailleurs, selon l’Unédic, environ 840 000 personnes (38 % des allocataires) auraient une indemnisation inférieure de plus de 20 % en moyenne à ce qu’elles toucheraient avec les règles actuelles, même si elles ont des droits plus longs. Alors que le taux de chômage remonte à 8,8 % (catégorie A), l’opposition syndicale pourrait rencontrer son public. Bien conscient du risque, le gouvernement a introduit un plancher qui limitera la baisse maximale : le nombre de jours non travaillés pris en compte sera plafonné à un maximum de treize jours non travaillés sur trente.

Le Conseil d’État avait déjà annulé deux dispositions. Le bonus-malus avait été retoqué une première fois parce que les juges administratifs avaient estimé qu’il aurait fallu un décret et non pas un arrêté pour définir certaines de ses modalités. Le nouveau calcul du salaire de référence avait été condamné plus sévèrement. Le Conseil d’État a jugé que ces nouvelles modalités de calcul entraînaient une rupture d’égalité entre les demandeurs d’emploi en emploi continu et ceux en emploi discontinu.

Enfin, tous les critères de retour à « une bonne fortune », proposés par le gouvernement pour conditionner l’application concrète de la réforme, sont encore très incertains. Les effets de la crise du Covid-19 se feront sentir lorsque le régime exceptionnel de soutien avec le chômage partiel prendra fin.

Eric Young