La crise brutale du Covid l’année dernière a eu le mérite de replacer l’emploi agricole un peu plus au centre des débats. Qu’en sera-t-il cette année ? Aux premières heures de la période d’embauche massive des saisonniers agricoles, partons prendre le pouls du secteur dans les départements les plus précoces.

Un peu plus de sérénité

Traditionnellement, la saison des fraises de Carpentras ouvre l’année de l’emploi agricole. Dans le Vaucluse, le ton des acteurs locaux de l’emploi agricole est moins désespéré que l’année dernière quand la crise du Covid leur avait fauché les jambes dès les premiers jours de la récolte.

« Les exploitants sont un peu plus sereins. La situation est moins négative que celle de 2020 même si ça reste une situation compliquée », assure Brigitte Amourdedieu, arboricultrice à Ansouis et présidente de l’Anefa du Vaucluse (Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture).

Les candidats sont plus rares que l’année dernière qui avait bénéficié de l’appel national à l’emploi avec la plateforme Des bras pour mon assiette. La mobilisation avait attiré beaucoup de profils mais ils n’étaient pas toujours bien informés du métier et ils étaient souvent réticents à s’engager sur une longue durée, espérant reprendre leur emploi initial dès le confinement terminé. En 2021, la priorité mise sur le télétravail plutôt que le chômage technique amenuise le nombre potentiel de candidats.

La venue des étrangers habituels

D’un autre côté, les exploitants sont assez soulagés de pouvoir embaucher les saisonniers étrangers extra-européens, traditionnellement des Marocains et des Tunisiens dans la basse vallée du Rhône, alors que la fermeture des frontières a été annoncée par le Premier ministre Jean Castex le 29 janvier 2021.

Un gros travail a été mené cet hiver pour, d’un côté, faciliter la délivrance des visas avec l’Office français de l’intégration et de l’immigration (Ofii) et, de l’autre côté, rassurer l’administration sanitaire avec un protocole strict. En décembre et janvier, plusieurs centaines de saisonniers marocains ont pu atterrir à l’aéroport de Marseille-Marignane pour travailler avec les exploitants qui les avaient déjà employés l’année dernière.

Il reste à combler les besoins de main-d’œuvre moins technique. Les processus de recrutement et de formation ont été établis avec Pôle Emploi durant l’hiver. Dans le Vaucluse, les agriculteurs comptent sur les saisonniers du tourisme ou de la restauration, nombreux dans cette partie de la France et fortement pénalisés par le reconfinement, pour candidater aux portes des fermes.

« Nous mettons aussi en place un dispositif qui permettra aux étudiants en télétravail d’être employés quelques heures par semaine dans les entreprises agricoles », annonce Brigitte Amourdedieu.

Proposer des heures aux étudiants

Un dispositif similaire se met en place aussi dans la Région Centre-Val de Loire. Il rentre dans une logique plus générale de soutien aux étudiants : d’un côté, des dons de produits agricoles avec l’association Solaal et, de l’autre côté, une offre de quelques jours de travail dans les fermes à travers le groupement d’employeurs que la FNSEA Centre-Val de Loire étend progressivement à toute la Région.

« C’est une façon de les sortir de l’enfermement induit par les cours à distance. Mais c’est aussi une façon de répondre avec des candidats locaux à l’offre de travail des maraîchers et des horticulteurs de la région », explique Laurent Ferré, directeur de ce groupement d’employeurs.

Des difficultés sur les contrats longs

Enfin, dans la pointe finistérienne de la Bretagne, les récoltes de tomates se préparent. Les restrictions sanitaires continuent de perturber l’organisation des jobdatings qui permettaient de recruter des saisonniers.

« Mais dans notre région, ce n’est pas la fermeture des frontières qui nous pénalise parce que les employeurs agricoles misent plutôt sur la main-d’œuvre locale pour des missions de plusieurs mois. Pour ça, la situation reste tendue », relate Gilles Burel, animateur de l’Anefa du Finistère.

Éric Young