L'inflation forte, les factures énergétiques inattendues... en ces temps difficiles pour les trésoreries, il arrive que des salariés demandent à être payés avant la fin du mois. L'employeur peut être désarçonné. Même en essayant d'être arrangeant et en disposant de la trésorerie nécessaire, il n'est peut-être pas toujours légal de le faire. Explorons le code du travail pour savoir quoi répondre à ce salarié.

Mensualisation de principe

En France, le principe général est la mensualisation du salaire. Le code du travail pose que le salaire de base doit être payé une fois par mois et à intervalles réguliers. La convention collective de la production agricole et des Cuma reprend cet énoncé dans son article 5.2 : "Le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois à la même périodicité."

On note que la paye ne s'effectue pas forcément à la fin du mois mais qu'elle doit toujours être versée à la même période, à quelques jours près. La règle du paiement mensuel est considérée d'ordre public, c'est-à-dire qu'il n'est pas possible d'y déroger par un accord entre l'employeur et le salarié.

En revanche, les salariés non mensualisés, en particulier les saisonniers pour ce qui touche au monde agricole, doivent être payés au moins deux fois par mois à seize jours d'intervalle.

Enfin, les primes diverses, le treizième mois et les parts variables peuvent être versés à des échéances plus espacées.

Acompte possible

Cependant, il est possible de verser un acompte à la demande du salarié. Cette possibilité est clairement autorisée dans le code du travail et dans la convention collective de la production agricole et des Cuma. Cet acompte est réservé aux salariés mensualisés. L'acompte est le paiement anticipé de tout ou partie du salaire dû pour le travail en cours. Il correspond à la moitié de la rémunération mensuelle. Il est versé pour quinze jours de travail déjà effectués.

L'acompte est donc un droit du salarié. L'employeur ne peut pas refuser sa demande. En revanche, cette possibilité non-refusable est limitée à une demande par mois. L'employeur est libre de sa décision pour les demandes supplémentaires.

L'acompte est déduit sans limitation (à la différence de l’avance sur salaire) du salaire mensuel net versé à l'échéance mensuelle habituelle. Les cotisations sociales sont réglées au moment de la paye traditionnelle.

L'avance n'est pas un acompte

"L'avance sur salaire est bien différente de l'acompte. Les deux sont bien une aide financière ponctuelle au salarié. Mais c'est bien le seul point commun entre elles", avertit Nathalie Bonduel, directrice du service aux employeurs de CER France Poitou-Charente. L'avance sur salaire est un paiement anticipé d'une partie du salaire pour des heures qui n'ont pas encore été effectuées. Elle peut s'apparenter à un prêt accordé par l'entreprise et elle n'est pas un droit du salarié. Bien sûr, la convention écrite est préférable même si elle n'est pas obligatoire.

Elle est donc remboursée par le salarié au moyen de retenues sur les payes suivantes, et pas forcément à la fin du mois en cours. Le code du travail fixe les retenues successives à un dixième (10 %) du salaire de base. Ce n'est bien évidemment pas une saisie sur salaire qui, elle, ne peut être diligentée que par un juge. Les bulletins de paye concernés doivent faire la mention explicite de ces retenues après le montant net imposable. Les remboursements anticipés sont possibles.

En cas de départ avant le remboursement complet, la somme restante devient immédiatement exigible dans le solde de tout compte. Et s'il reste encore une somme à rembourser, l'employeur espère un recouvrement spontané par le salarié ou il entame une procédure contentieuse.

Le montant, la date et le mode de versement de l'avance sur salaire ne sont pas encadrés par la loi. L'avance est le résultat d'un accord entre le salarié et son employeur. Il n'y a pas de montant maximum pour accorder une avance. De même, l'avance est ouverte aux salariés non-mensualisés.

L'écrit est préférable

Que ce soit pour l'acompte ou pour l'avance, la formalisation écrite n'est pas obligatoire mais elle est tout de même très recommandable. Il est conseillé à l'employeur de faire signer en retour un reçu précisant la date et le montant de la somme versée. La simple mention sur le bulletin de paye n'est pas une preuve suffisante du paiement. Enfin, un décret de 1985 précise que les sommes d'acompte ou d'avance peuvent être payées en espèces si le montant du salaire net est inférieur ou égal à 1500 euros. Au-delà, elles sont obligatoirement réglées par virement à un compte postal ou bancaire ou par chèque barré.

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