Le problème n’est pas nouveau. Mais il a pris de l’ampleur depuis un an, avec la reprise économique : « C’est tendu, même sur les postes non qualifiés aujourd’hui, constate Philippe Faucon, président de la Fédération nationale des groupements d’employeurs. Pour trouver un salarié, il nous fallait deux heures. Désormais, c’est au moins une journée. » Début 2017, le service de remplacement de la Haute-Loire a proposé vingt postes qualifiés en CDI. Pas de candidat. « On manque de salariés qualifiés, déplore Julien Marre, président du service de remplacement, qui compte 13 000 salariés. Tout le secteur manque de main-d’œuvre. »

Des candidats rois

Site d’emploi pour les cadres de l’agriculture, l’Apecita compte en moyenne 529 consultations pour une offre en production animale et grandes cultures. Au bout du compte, elle enregistre 13 000 candidats pour 17 500 postes en 2016. L’inadéquation entre les offres et les besoins est par ailleurs manifeste, notamment en environnement, un secteur aussi plébiscité qu’il affiche peu de postes.

L’autre acteur de l’emploi en agriculture, l’Anefa, enregistre à l’inverse 8 700 candidats pour 6 000 offres. Mais le résultat est similaire, avec seulement 32 % de ses offres pourvues au bout d’un mois.

Pour les chambres d’agriculture impliquées dans l’emploi, la baisse des candidats est prégnante. Celle de l’Eure-et-Loir recevait 200 CV par an. Depuis 2015, elle enregistre entre 120 et 150 candidats par an. « Le manque de main-d’œuvre ne touche pas seulement les départements viticoles ou laitiers, mais aussi les céréaliers », note Daniel Lazier, en charge de l’emploi à la chambre d’agriculture.

Pour pallier la pénurie, de plus en plus d’agriculteurs choisissent de se tourner vers de nouveaux acteurs du recrutement. Les réseaux sociaux et les sites de petites annonces s’affirment comme de nouveaux champs de recrutement en agriculture. De 2013 à 2016, Le Bon coin affiche par exemple une croissance annuelle de 45 % de ses annonces pour l’emploi agricole. Lancée en mai 2016, la plate-forme Yojob enregistre 7 000 visiteurs uniques et environ 150 offres d’emploi par mois. Mais, pour les deux, l’efficacité reste à prouver, faute de chiffres sur les annonces pourvues. Leur gratuité est leur premier atout, selon leurs utilisateurs.

« Le prix de la paix »

Plus sûres, les entreprises de travaux agricoles (ETA) ont, en dix ans, vu le nombre de leurs salariés à temps plein augmenter de 70 %, selon la Fédération nationale des entrepreneurs des territoires, qui compte aujourd’hui 80 000 emplois. « La difficulté des exploitants vient aussi du fait qu’ils n’ont pas de travail à donner toute l’année à leurs salariés, explique le président, Gérard Napias. En venant chercher un homme et une machine, ils font d’une pierre deux coups. »

L’intérim trouve aussi de nouveaux adeptes. Dominique Rocher, éleveur de poules pondeuses à Questembert, dans le Morbihan, recourt depuis deux ans à deux intérimaires de chez Agri-Intérim, présent dans l’ouest de la France. « Suite à de mauvaises expériences, je ne voulais plus être l’employeur direct. Cela me coûte plus cher mais c’est le prix de la paix. » D’autres trouvent la solution dans l’emploi partagé : « Ça n’est plus un épiphénomène. En Bretagne, 10 % de la main-d’œuvre agricole est employée par un groupement d’employeurs », reprend son président, Philippe Faucon.

Pour tous ces acteurs, la demande peine, quoi qu’il en soit, à être satisfaite. Et ce, d’autant plus qu’elle se diversifie, avec des besoins nouveaux en transformation, vente, etc. Pour tenter d’y répondre, « les agriculteurs vont chercher là où se trouvent les jeunes, poursuit Philippe Faucon. L’idéal serait de disposer d’une bourse à l’emploi agricole connue en dehors du secteur, pour attirer de nouveaux profils. » Ne resterait alors plus que le problème de la formation…