"Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais on est en train de fabriquer de l’inflation alimentaire à long terme. Qu’est-ce que l’on aura à mettre dans nos assiettes dans quelques mois, voire l’année prochaine ?", lance Sébastien Méry, céréalier et membre du bureau de la FNSEA 45.
Devant l’usine de conditionnement du négoce en pommes de terre Les Trois laboureurs, à Outarville (Loiret), les membres du syndicat ont réuni, le 24 octobre 2022, les principaux représentants des filières de production et de transformation. Lait, volailles, fruits, légumes, céréales… Tous dénoncent la flambée des prix de l’énergie et l’impact sur leur entreprise.
La facture électrique de la laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH) est passée de 11 millions d'euros en 2021 à 22 millions d'euros en 2022, et LSDH prévoit 35 millions d'euros pour 2023. En volaille, des aviculteurs pourraient baisser, voire arrêter de produire durant les trois, quatre mois d’hiver dans les bâtiments mal isolés. Chez les cuiseurs de betteraves rouges, spécialité du Loiret (300 emplois), la facture de gaz est passée de 3 à 10 % du chiffre d’affaires.
Baisse de la consommation
Dans son verger, David Feuillette, installé à Bonny-sur-Loire sur 60 ha (Loiret), vend à perte ; "Economiquement, je n’aurai pas dû cueillir la récolte. Mes contrats d’électricité ont bondi de 300 % au 1er octobre, les conditionnements en carton et non en plastique ont augmenté de 170 %, et les salaires sont également en hausse et en face. Il faudrait répercuter 20 à 30 centimes d'euro le kilo sur nos prix de vente, mais la consommation est en baisse. C’est l’effet de ciseaux." L’arboriculteur a bien le projet de couvrir de panneaux photovoltaïques sa station de conditionnement (900 m²), mais cela prend du temps.
Si les professionnels des filières sont confrontés aujourd’hui à la crise énergétique, ils craignent des conséquences sur l’alimentation pour 2023. « C’est un tsunami qui se prépare », résume Pierre Coisnon. Le négociant en pommes de terre prévoit de passer de 320 000 € de facture énergétique en 2021, à 2 millions d'euros en 2023, avec des répercussions sur le prix des pommes de terre à l’automne prochain. "1,5 million d'euros de hausse, c’est deux, trois fois le résultat de l’entreprise. Ce n’est pas possible, je n’ai pas signé…"
Face à cette surchauffe, l’Etat a annoncé 50 % d’aide sur les factures d’énergie qui ont doublé, si elles dépassent 3 % du chiffre d’affaires. Pour Jean-Marie Fortin, horticulteur et président de la chambre d’agriculture du Loiret, "cela ne réglera pas le problème. Main-d’œuvre et énergie sont souvent corrélées et certains modèles économiques vont exploser. C’est la porte ouverte aux importations… Et ce n’est pas un deuxième PGE (prêt garanti par l’Etat) qui nous aidera, le premier, celui du Covid, n’étant pas remboursé." Les syndicalistes souhaitent une aide concrète de l’Etat pour conserver la souveraineté alimentaire.