Elles n’ont que quelques hectares ou quelques animaux. Si peu, qu’on les disait « non professionnelles ». Ce terme a été remplacé en 2010 par celui de « petites exploitations », par opposition aux « moyennes et grandes ». La distinction officielle entre ces catégories est claire : en dessous d’une certaine surface ou d’un certain nombre d’animaux, on est « petit » (lire Repères, p. 61).

Parce qu’elles sont ainsi classées, elles sont rarement incluses dans les études, enquêtes et autres observatoires. Elles représentent pourtant près d’un tiers des exploitations agricoles de France métropolitaine et ne collent pas toujours aux clichés que l’on s’en fait.

1. Elles vont disparaître

FAUX. Les petites exploitations diminuent au même rythme que les moyennes, avec une chute de 4 % de leurs effectifs par an, entre 2010 et 2016 (1). Seules les grandes structures ont progressé, jusqu’à constituer la catégorie principale : 42 % des fermes françaises. Mais les petites, plus nombreuses que les moyennes, représentaient toujours 31,4 % de celles de France métropolitaine en 2016. Elles sont même majoritaires dans les départements d’outre-mer (68 % pour un tiers de la SAU).

Les petites affichent aussi une plus forte dynamique de renouvellement, comme l’a observé la chercheuse Pauline Lecole, de SupAgro Montpellier, auteure d’une thèse sur le sujet en 2017. « En France métropolitaine, un quart des petites exploitations agricoles recensées en 2010 avait moins de dix ans, contre 21 % pour les moyennes et grandes. Les agriculteurs installés entre 2000 et 2010 étaient en moyenne plus jeunes et plus orientés vers les circuits courts, la bio et la diversification. » Le renouvellement des petites fermes semble donc, en grande partie, porté par ceux qui ont l’intention de durer.

2. Elles ne sont qu’uncomplément d’activité

PAS TOUJOURS. Le recensement de 2010 affichait environ 43 000 chefs d’exploitation à titre exclusif, soit un quart des petites exploitations. Le reste se divisant à parts égales entre pluriactifs (passant un temps variable au sein de l’exploitation) et retraités.

3. Elles ne sont pasprofessionnelleS

INEXACT. Selon Pauline Lecole, la pratique de l’agriculture comme hobby est minoritaire. Son travail révèle que plus de la moitié des petites structures (soit 17 % des exploitations agricoles françaises) sont détenues par des agriculteurs actifs qui y travaillent à temps partiel ou complet, avec l’objectif de sortir un revenu. Les retraités, de leur côté, sont surreprésentés dans deux types de fermes : celles dédiées à l’autoconsommation (8 % des petites) et celles qui visent avant tout à préserver un patrimoine familial (31 % des petites).

4. Elles sont farfelues

PAS FORCéMENT. Permaculture, élevage d’escargots, lait de jument… Certains candidats à l’installation sur de petites surfaces portent des projets assez innovants. Petite surface et faibles capitaux obligent, ils cherchent un créneau à haute valorisation. Ce qui ne signifie pas qu’il leur manque les qualités professionnelles classiques (diplômes, technicité).

Les productions atypiques sont toutefois loin d’y être majoritaires. C’est dans l’orientation des grandes cultures qu’elles sont les plus nombreuses, suivies par les ovins et autres herbivores (petits ruminants, équidés), les bovins viande et la viticulture. Elles représentent même 70 % des élevages d’ovins et autres herbivores et plus d’un tiers de ceux de bovins allaitants français. Hébergeant peu d’effectifs chacune, elles détenaient ensemble 10 % du cheptel ovin national et 6 % de celui de vaches allaitantes en 2013.

5. Elles ne sont pas viables

FAUX. L’objectif de rentabilité n’est, certes, pas le même pour un retraité, un pluriactif et un chef d’exploitation à titre exclusif. Parmi les petites fermes cherchant à développer une activité rémunératrice, rien ne montre qu’il y ait davantage d’échecs que dans les grandes.

« Il n’existe pas de suivi économique, rappelle Pauline Lecole, mais, entre les recensements agricoles de 2000 et 2010, on voit que des petites exploitations ont perduré sans changer de modèle économique. On peut faire l’hypothèse que ces modèles sont durables. Je l’ai vérifié par des enquêtes de terrain : elles sont nombreuses à être viables sur le long terme. »

Elles misent souvent sur la diversification et une bonne valorisation de leurs produits. En 2010, elles tiraient en moyenne 59 % de leur chiffre d’affaires des circuits courts (contre 37 % pour les moyennes et grandes fermes), et 46 % des activités de diversification (27 % pour les moyennes et grandes). Ancrées dans le local, avec de faibles volumes à écouler, elles sont également moins soumises aux aléas du marché.

Autre facteur de bonne santé : leur endettement est plutôt limité.

6. Elles ne servent à rien

FAUX. Elles ne pèsent que 3 % de la production brute nationale, mais cela ne reflète pas la valeur créée (lire l’encadré p. 60). Hélas, on ne sait pas mesurer la contribution des petites fermes à la création de richesses en France.

En revanche, on peut évaluer leur contribution à l’emploi. En 2016, elles représentaient 12 % du volume total de travail agricole (en équivalent temps plein ou unité de travail annuel - UTA), sur 7 % de la SAU. Les grandes structures employaient 67 % des UTA sur 73 % de la SAU. C’est clair : on embauche davantage de monde sur 1 000 ha de petites fermes que sur 1 000 ha de grandes.

Que se passerait-il si elles disparaissaient, fusionnées ou absorbées par de plus grandes ? Elles y créeraient des emplois, mais il y aurait une perte globale de 7 à 9 % des UTA, selon la simulation réalisée par Pauline Lecole (2).

Sur le plan environnemental, « les petites exploitations ne sont pas plus souvent en bio, a relevé l’auteure de la thèse. Mais elles ont en moyenne une part plus importante de SAU sans phytos. » Soit parce qu’elles ont moins d’objectifs de rentabilité (retraités par exemple), soit par éthique. « Souvent, les candidats à l’installation sur des microfermes veulent produire sans polluer, avec pas ou peu de phytos, et peu de pétrole », constatent les réseaux Gab et Civam, qui accompagnent ce type de projets.

Elles remplissent, en tout cas, un rôle majeur dans l’aménagement du territoire, par leur nombre et leur maillage dense. Elles créent du lien social et entretiennent le paysage, tout en offrant des habitats diversifiés pour la biodiversité. Et ce, même lorsqu’elles sont dirigées par un pluriactif ou un retraité.

Tout ça, en coûtant très peu d’argent public : 2 500 € d’aides Pac par petite exploitation en moyenne en 2010.

(1) Dernières statistiques disponibles : recensement agricole de 2010, enquêtes « structure » de 2013 et 2016.

(2) Les retraités ne sont pas retranchés, maisils représentent assez peu d’UTA car ils passenten moyenne moins d’un quart de temps à la ferme.