La volatilité fait maintenant partie du quotidien des éleveurs. Le démantèlement des outils de gestion de marché au gré des réformes successives de la Pac expose les producteurs français et européens aux aléas du marché mondial. D’autant que, pour un certain nombre de produits, le marché communautaire est maintenant mature, voire en décroissance. Et que les espoirs de développement visés par les entreprises sont à l’international. Alors comment, à l’échelle française, est-il possible de se protéger de ces à-coups ?

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Avec les marchés à terme ? Pas la peine d’y penser dans les filières viande. En revanche, dans le secteur laitier, certains y croient. Il en était question à l‘assemblée générale de la Fédération nationale des coopératives laitières en avril. Euronext venait de rerelancer trois contrats pour cette filière. Mais voilà, ce système n’est efficace que si des opérateurs l’utilisent. Pour le moment, ce n’est pas le cas. Et si cette possibilité leur était offerte, est-ce aux éleveurs de se positionner sur les marchés à terme pour se protéger des orientations stratégiques retenues par les entreprises ?

Dans le plan de sauvegarde de l’élevage, Stéphane Le Foll met l’accent sur une autre voie : la rénovation des relations commerciales. Autrement dit, la contractualisation. Ce sujet, le secteur laitier le connaît bien. Les contrats devaient rétablir le rapport de force entre les transformateurs et les éleveurs à l’arrêt des quotas. Quel bilan en tirer ? Que les contrats garantissent un débouché mais pas une marge.

Depuis la rentrée, le ministre insiste pour assortir les contrats de caisses de sécurisation. « Il souhaite lier les deux, constate Bruno Colin, président de la filière bovine de Coop de France bétail et viande. Cela nous convient mais certains de nos clients ne souhaitent pas s’engager à long terme. »

Aujourd’hui, les organisations de producteurs proposent surtout des contrats sur les jeunes bovins. Le modèle le plus souvent cité en exemple est celui proposé par McKey, le fournisseur de steak haché de McDonald’s, sur des taurillons laitiers (voir ci-contre). Mais le goût du consommateur français, et donc la grande distribution, se porte davantage sur la viande de femelles en grande partie issue du troupeau laitier.

Comment faire avec les jeunes bovins allaitants qui sont majoritairement exportés ? « Toutes les entreprises contractualisent mais sur des volumes limités, constate Philippe Dumas, président de la Sicarev. Nos moyens financiers sont limités. » Le dernier rapport remis récemment au ministre sur la contractualisation ne dit d’ailleurs pas autre chose. Il conclut que la contractualisation ne peut compenser la disparition des filets de sécurité de la Pac.

Segmenter le marché

« Travailler en filière, c’est bien, reprend Philippe Dumas. Mais nous avons besoin de communiquer davantage sur la race. Regardez l’œuf, la segmentation est importante mais pour quelle différence de qualité ? Nous devons faire la même chose avec le steak haché de charolais, par exemple. Il faut que la distribution nous aide à segmenter le marché. »

Il est une autre filière où l’idée de contractualiser fait son chemin : la filière porcine. Le contrat entre Herta et Syproporc (lire La France agricole du 9 octobre 2015, page 55) est un exemple. Il s’agit davantage d’un outil financier de couverture de risque que d’un contrat. Parler contractualisation tient de la révolution culturelle dans ce secteur qui doit réinventer son avenir. La logique des années soixante-dix avec les éleveurs d’un côté et les abatteurs de l’autre appartient au passé. Aujourd’hui, la viande porcine ne manque plus, ni en France, ni en Europe.

« Proposer des carcasses ne suffit plus, estime Michel Rieu, responsable du service économie de l’Ifip. Il faut offrir un service en plus. Le défi de la filière est de se moderniser, de créer davantage de valeur. L’enjeu de la contractualisation n’est pas seulement de gérer la fluctuation de prix. C’est surtout de construire un partenariat, un projet commun à plusieurs maillons de la filière. Il restera toujours des intérêts particuliers et de la concurrence mais il faut avant tout créer de la cohérence par la concertation. »