Les différentes annonces depuis vendredi dernier sur les exportations russes ont rythmé la hausse des prix sur le marché, blé en tête. Les prix sont finalement tiraillés entre des fondamentaux baissiers et le risque géopolitique. La volatilité restera forte tant qu’une grande partie des stocks mondiaux de blé seront concentrés en Russie.
Les prix du blé sont soumis au risque géopolitique
Après avoir chuté pendant une bonne partie du mois de mars, sur fond de considérations des fondamentaux du marché, les prix du blé sont chahutés. Ils avaient amorcé une hausse à partir de vendredi dernier (24 mars) à la suite de nouvelles indiquant que la Russie pourrait limiter ses exportations si les prix ne couvraient pas les coûts de production de ses agriculteurs. Pour le moment, aucune décision n’a été prise, si ce n’est que les exportateurs russes sont tenus de s’assurer que les prix payés aux agriculteurs ne baissent pas sous ce seuil.
La hausse des prix a continué jusqu’au début de la semaine, avec de nouvelles annonces. Tout d’abord, Cargill a annoncé qu’il n’assurera plus la logistique jusqu’à ses terminaux portuaires russes à partir du mois de juillet. Cette nouvelle a été suivie par celle de Viterra d’arrêter ses exportations depuis la Russie à partir du 1er juillet prochain.
Ces deux opérateurs représentaient jusqu’à présent 5 et 9 % respectivement des exportations russes de blé. Les autorités du pays ont assuré que ces décisions ne remettaient pas en cause les capacités d’exportations de la Russie. Il a même été annoncé que les infrastructures de Viterra continueraient de fonctionner via une nouvelle entité indépendante. Mais finalement, les prix recommençaient déjà à baisser le 30 mars.
Le blé rendu Rouen termine cette semaine à 255,5 €/t, soit +17 €/t sur une semaine, mais toujours sous son niveau de la mi-mars (263,5 €/t). Le blé rendu La Pallice s’affiche, quant à lui, à 258,5 €/t, contre 243,5 €/t une semaine plus tôt. La volatilité actuelle sur le marché du blé met en exergue le risque géopolitique lié à la concentration des stocks mondiaux en Russie.
Les fondamentaux sur le marché du blé restent majoritairement baissiers
Les exportations de blé de la Russie ont été très dynamiques sur le mois, avec près de 4 millions de tonnes expédiées entre le 1er et le 27 mars. La Russie continue donc d’alimenter le marché mondial en attendant la concrétisation potentielle de restrictions et/ou de capacités d’exportations amoindries.
Dans le même temps, les pays de l’est de l’Union européenne, Pologne en tête, réclament des mesures pour réguler les importations de céréales en provenance de l’Ukraine. Ces dernières font fortement pression sur les prix des pays frontaliers de l’Ukraine et alimentent le mécontentement des agriculteurs polonais et roumains.
Du côté des récoltes, les conditions de croissance sont toujours bonnes pour les blés français selon l’observatoire Céré’Obs. Le marché français du blé pourrait aussi être indirectement affecté par celui de l’orge. En effet, les prix des orges françaises sont sous pression à la suite de l’annonce de discussions à venir entre la Chine et l’Australie sur la fin éventuelle des taxes chinoises sur les importations d’orges australiennes. L’OMC devrait rendre une décision aujourd’hui quant à la plainte déposée par l’Australie et les deux pays devraient statuer quant à cette décision au cours de la semaine prochaine.
Quelques signaux plus haussiers sont à prendre en compte. C’est le cas en Tunisie où la récolte de céréales pourrait baisser de 75 %, selon l’Union des agriculteurs tunisiens. Enfin, l’Inde a annoncé vouloir maintenir son interdiction d’exportations de blé jusqu’à nouvel ordre, malgré une récolte qui s’annonce très élevée (plus de 105 millions de tonnes).
Les prix du maïs ont remonté sur la semaine
Le maïs Fob Rhin a repris 7 €/t depuis la semaine dernière (à 245 €/t) tandis que le maïs Fob Bordeaux a remonté de 15,5 €/t, pour atteindre 267 €/t. Ils ont ainsi réagi, comme les prix du blé, sous l’effet des différentes annonces remettant potentiellement en cause les exportations de la Russie. La hausse de prix s’est néanmoins arrêtée au milieu de la semaine, une fois ces éléments intégrés, et n’a pas effacé en totalité la baisse observée sur le mois.
Le marché du maïs est maintenant suspendu à la publication de l’USDA (département américain de l’Agriculture) sur les intentions de semis de maïs des agriculteurs américains. Le marché anticipe une hausse des emblavements à 90,9 millions d’acres. Dans le même temps, la Bourse de Buenos Aires maintient une prévision de récolte en Argentine à 36 millions de tonnes, un niveau certes très bas, mais stable par rapport à sa dernière prévision.
Du côté de la demande, la Chine est aux achats avec près de 3,3 millions de tonnes de maïs américains contractées sur le mois de mars. Le marché mondial du maïs reste bien plus tendu que celui du blé.
Reprise des cours du colza
Après une sévère correction à la baisse ces dernières semaines, les prix du colza ont finalement rebondi ces derniers jours. Les cours ont tout d’abord été tirés à la hausse à la suite des nouvelles d’une possible interdiction par le gouvernement russe de ses exportations de blé et de tournesol, afin de soutenir les prix intérieurs pour ses producteurs.
Les prix du pétrole ont également participé à la reprise des cours du colza. En effet, les inquiétudes relatives à la crise traversée par les marchés financiers se sont calmées, entraînant à la hausse les cours du pétrole. Par ailleurs, ces derniers ont également augmenté sous l’impulsion des derniers chiffres publiés par l’EIA (Agence de l’énergie des États-Unis), montrant une consolidation de la demande, avec des stocks de pétrole en baisse aux États-Unis sur la semaine (contrairement aux attentes du marché).
Cette tendance haussière a également été soutenue par les prix du canola canadien. Ces derniers sont en hausse de près de 30 $/t sur la semaine, avec une demande des triturateurs toujours très dynamique, ces derniers accélérant leurs achats à la suite de la récente hausse des marges de trituration. Ces dernières, excellentes, atteignent des records en raison d’un prix élevé de l’huile de canola, dont la demande est forte aux États-Unis du fait d’une progression des utilisations et de la production de biodiesel.
Cependant tout à la fin de la semaine, les prix se sont corrigés à la baisse avec une lourdeur des fondamentaux du colza toujours présente. L’offre dans l’Union européenne reste bien supérieure à ce que l’industrie est capable de transformer et les importations continuent d’affluer, notamment depuis l’Australie. Globalement, depuis le début de la campagne, l’Union européenne a déjà importé près de 6,2 millions de tonnes (Mt) de graines de colza (au 26 mars). Ce volume conséquent est déjà supérieur à celui importé sur la totalité de la campagne de 2021-2022 (à 5,6 Mt) et se rapproche de celui importé sur l’intégralité de la campagne de 2020-2021 (à 6,5 Mt).
Finalement cette semaine, les cours du colza en France ont augmenté de 15 €/t à Rouen et de 31 €/t en Fob Moselle. Ils s’établissent respectivement à 437 €/t et 467 €/t.
Les prix du tourteau de soja continuent de monter
Les cours mondiaux du tourteau de soja se sont redressés cette semaine. À Chicago, le prix a gagné 24 $/t sur le rapproché, pour s’afficher à 507 $/t, porté par des perspectives d’offres plus mesurées que prévu. En effet, la publication du rapport de l’USDA ce vendredi sur les intentions de semis du soja et le niveau de stocks aux États-Unis, pourrait révéler des assolements de soja en dessous des attentes du marché et un bilan plus tendu que prévu. Les agriculteurs américains pourraient réduire les surfaces semées de soja en faveur du maïs.
Par ailleurs, les ventes hebdomadaires de tourteaux de soja américains se sont montrées plus dynamiques que prévu ces derniers jours, contribuant à des prix en hausse. Le prix Fob argentin a lui gagné 20 $/t sur le rapproché (à 516 $/t). À noter que la chute de la trituration dans ce pays, qui est le plus grand exportateur mondial de tourteaux de soja, devrait engendrer un déficit sur le marché mondial. La baisse des disponibilités argentines ne devrait pas être compensée par les offres brésilienne et américaine.
La cotation à Montoir-de-Bretagne n’a toutefois pas suivi ce mouvement haussier. Elle a reculé de 4 €/t cette semaine à 549 €/t. Le cours du tourteau en France demeure à des niveaux historiquement élevés. La forte concurrence des céréales et des autres tourteaux limite la demande en tourteau de soja des fabricants d’aliments, ce qui a entraîné un léger repli des cours. De plus, la demande reste affectée par l’épidémie de grippe aviaire qui touche la France depuis l’automne dernier, et qui a réduit les populations de volailles dans les élevages français.
La demande est aussi affectée par une baisse du cheptel porcin, conséquence d’une conjoncture économique peu porteuse pour les élevages l’an dernier. Elle avait entraîné un recul des cheptels reproducteurs, ce qui se ressent aujourd’hui dans les effectifs d’animaux à l’engraissement.
À suivre : parité euro/dollar, exportations russes (blé, orge, tournesol), conditions météorologiques en Europe (colza, blé), récolte de soja au Brésil, conditions de croissance du maïs au Brésil, situation économique mondiale, prix du pétrole, situation sanitaire au Brésil (grippe aviaire) et en Chine (Peste africaine porcine).