Après la stagnation de la semaine dernière en France, c’est une orientation baissière qui a prévalu cette semaine sur le marché français malgré le temps sec qui n’est pas favorable aux semis. Les prix ont perdu entre 1,5 et 2,5 €/t sur le marché physique, à 196,75 €/t rendu Rouen et 189,75 €/t en Fob Moselle. Ils ont baissé de 2,5 €/t sur Euronext, à 201 €/t pour l’échéance de décembre.

Sur le marché mondial, en dollar, les prix français abandonnent ainsi 4 $/t, à 236 $/t Fob, comme les blés russes à 225 $/t (–4 $/t). C’est Chicago qui a mené la danse cette semaine, s’affaissant modérément en raison de ventes US assez faibles à l’exportation. Les prix russes ont aussi suivi la baisse, la stabilisation du rouble y contribuant, après une grande période de renforcement de cette monnaie contre le dollar. Le gouvernement russe a pris la décision cette semaine de relâcher 1,5 million de tonnes de grains à partir de ses stocks d’intervention (réserve). Ces marchandises ne sont pas encore vendues mais il peut s’agit d’un facteur qui a joué un rôle baissier sur les prix russes cette semaine.

L’impact d’une telle mesure ne devrait qu’être modéré toutefois pour le centre et le sud de la Russie car la plupart des quantités en question se trouvent dans des régions lointaines de Sibérie. Enfin, la manière dont l’agence responsable des contrôles sanitaires se comporte et ralentit les exports est maintenant connue par les opérateurs (entre 1 à 2 semaines de retard pour faire tous les contrôles et obtenir les certificats requis). En l’absence de nouvelles inquiétudes, cela a peut-être contribué aussi à la baisse des prix.

Des blés français qui gagnent en compétitivité

Quoi qu’il en soit, malgré leur baisse, les blés russes restent très attractifs sur la Méditerranée et l’Afrique à court terme. Néanmoins, leur intérêt diminue fortement sur les échéances un peu plus éloignées étant donné la forte prime qu’ils affichent entre octobre et décembre par exemple (+17 $/t).

Ainsi, si les blés français sont nettement plus chers sur le rapproché (octobre) que les blés russes à 12,5 % de protéine (+11 $/t en position Fob), ils valent 3 $/t de moins sur décembre. Comme mentionné la semaine dernière, cela pourrait permettre à l’UE et à la France d’élargir prochainement ses ventes à l’Afrique subsaharienne voire à l‘Égypte. La compétition avec les blés argentins et US va toutefois rester rude mais le retrait partiel de la Russie devrait quand même pousser tous les prix concurrents vers le haut. En Argentine, la moisson vient de commencer (entre 1 et 2 % des champs récoltés à ce jour et les premiers résultats sont décevants par rapport aux prévisions).

Du côté des importateurs, le Maroc confirme son schéma habituel d’une forte baisse des taxes à l’importation à l’approche de l’hiver (1er novembre).

L’orge française en embuscade ?

L’orge fourragère à Rouen a peu varié à 201,75 €/t (–0,5 €/t par rapport à la semaine dernière), tandis que sur la Moselle l’orge a perdu 6 €/t, à 191,75 €/t. Ces mouvements ont suivi ceux du blé et du maïs, même si sur la Moselle l’orge a plus « dévissé » que les autres céréales.

En position Fob à Rouen, l’orge fourragère a perdu 2 $/t, à 239,25 $/t, alors que l’orge russe est restée stable à 238 $/t et que l’Ukrainienne a progressé de 1 $/t, à 236 $/t. L’écart entre l’orge française et ses principales concurrentes s’est donc réduit. Depuis la mi-août, les prix ukrainiens n’ont guère évolué, mais devraient sous peu suivre une tendance haussière puisque les disponibilités sont moins importantes que celles de l’an passé. D’ailleurs, le mois de septembre a marqué un ralentissement certain des exportations de l’Ukraine avec 580 000 tonnes exportées, contre 770 000 en août et surtout 1,16 million de tonnes exportées en septembre 2017.

La baisse des exportations de l’Ukraine sur les trois premiers mois de la campagne impacte surtout les flux à destination de la Chine (–55 % sur juillet-septembre par rapport à 2017). Or, la France pourrait bénéficier de ce phénomène puisque les disponibilités sont en baisse au Canada et sont prévues en forte baisse en Australie, en raison des conditions climatiques difficiles. La demande d’orge en provenance de la Chine est prévue en recul de 7 % par rapport à 2017-18, mais nous prévoyons les exportations de la France vers cette destination à 1 million de tonnes, contre 400 000 tonnes en 2017-18. Les exportations françaises sont plutôt timides sur le début de la campagne, mais le ralentissement des exportations au départ de la mer Noire pourrait sonner le top départ pour la France.

Cette semaine, l’orge brassicole de printemps a perdu 1 €/t et celle d’hiver a progressé de 0,5 €/t, à respectivement 225 €/t et 211 €/t. C’est l’attentisme qui caractérise le mieux le marché des orges de brasserie dans l’UE cette semaine, les malteurs/brasseurs n’étant pas aux achats pour le moment.

Maïs : le rouleau compresseur ukrainien

Excepté dans l’est de la France où le prix du maïs n’est plus coté pour l’échéance d’octobre-décembre, les prix de cette céréale ont de nouveau chuté cette semaine, de 2 à 4 €/t sur le marché français (à 164,25 €/t rendu La Pallice et 170,25 €/t Fob Bordeaux).

La récolte progresse bien aux USA avec 39 % des champs récoltés au 14 octobre (contre 27 % l’an dernier à la même date et 35 % pour la moyenne quinquennale) et les rendements y sont attendus à des niveaux records. Cela pèse sur les prix d’autant plus que les ventes US à l’exportation de la semaine écoulée n’ont pas été à la hauteur des attentes, plusieurs pays d’Asie ralentissant leurs achats et semblant se tourner vers des origines moins chères (Amérique du sud ou Ukraine). L’arrivée d’une bonne récolte en Ukraine n’en finit pas de comprimer les prix.

En France, c’est surtout l’arrivée de plusieurs bateaux de maïs importé des pays du Sud-Est européen qui pèse sur les prix. Et pour l’ensemble de l’UE, les importations continuent à bon train, les maïs ukrainiens restant très attractifs par rapport aux maïs de l’ouest de l’UE.

Le colza français pris entre deux feux

Le colza français se stabilise cette semaine à Rouen et en Moselle (+0,5 €/t seulement). Sur le marché à terme Euronext, les prix sont en légère baisse de 1 €/t. D’un côté, les prix du colza subissent la pression baissière du pétrole. En effet, les cours de l’or noir sont en baisse de 6 % sur la semaine en raison de la hausse des stocks de pétrole aux US et d’un ralentissement de la croissance de la demande mondiale. De l’autre, les prix sont soutenus par la sécheresse qui se poursuit en France, en Allemagne et en Europe centrale et pénalise fortement les semis et les levées de colza d’hiver. En France, dans les régions les plus touchées par le temps sec, les retournements et non semis devraient être nombreux et la baisse des surfaces de colza pourrait atteindre 40 à 50 % par rapport à l’an dernier.

Au Canada, les conditions climatiques se sont améliorées. Un temps plus sec et des températures un peu plus élevées ont permis aux agriculteurs de reprendre les travaux de récolte, jusqu’alors nettement ralentis par les fortes précipitations neigeuses. La mise sur le marché du canola déjà récolté pèse sur les prix, tout comme l’orientation baissière du pétrole. Sur le marché de Winnipeg, les cotations du canola perdent 4 $/t sur la semaine.

Stabilité en tournesol

Le prix du tournesol est stable cette semaine à Saint-Nazaire à 305 €/t. La récolte est quasi terminée dans les principaux pays producteurs avec des rendements records en Europe de l’Est. Les travaux de semis sont en cours en Argentine et les premiers retours indiquent une hausse des surfaces à ce stade par rapport à la campagne précédente.

Pas d’orientation claire pour le marché du soja

Sur le marché à terme de Chicago, les prix du soja sont en légère hausse de 2 $/t depuis la semaine dernière. Ils ont d’abord augmenté jusqu’à lundi puis sont repartis à la baisse. La récolte US est ralentie par les pluies. D’après l’USDA, seulement 38 % des surfaces étaient récoltées à la mi-octobre, contre 53 % en moyenne quinquennale. Par ailleurs, la demande locale états-unienne est très bonne, soutenue par des marges de trituration très attractives par rapport à celles du Brésil et de l’Argentine.

Néanmoins, cela ne devrait pas empêcher les stocks de graines de soja de s’accumuler aux USA, en raison des différends commerciaux avec la Chine, premier acheteur mondial de soja. Les ventes de « silo bags » (sacs-silos) auraient d’ailleurs bondi dans le pays, les agriculteurs américains préférant attendre un moment plus propice pour commercialiser leur production.

Au Brésil, les travaux de semis avancent rapidement dans des conditions d’humidité favorables. À la fin de la semaine dernière, ils atteignaient déjà 20 % des surfaces (contre 12 % l’an dernier à la même date et 10 % en moyenne des cinq dernières années). En Argentine, les semis démarrent tout juste. Un léger déficit hydrique est à déplorer dans le nord de la principale zone de production mais la situation a le temps de s’améliorer avant l’accélération des travaux d’emblavement.

Les tourteaux de soja à Chicago gagnent 4 $/t à 349 $/t, tiré par une bonne demande locale et à l’exportation. En France, les cours ont suivi la hausse. Ils gagnent 5 €/t à Montoir, à 348 €/t. Le prix du pois est stable, à 215 €/t départ Eure/Eure-et-Loir. Son attractivité en alimentation animale est bonne face à des tourteaux de soja qui ont plutôt vu leur prix augmenter récemment.

A SUIVRE : positionnement des blés russes à l’exportation, basculement des exportations d’orge de la mer Noire vers l’UE, importations de maïs dans l’UE, guerre commerciale sino-américaine, avancée de la récolte aux États-Unis, avancée des semis de soja en Amérique du Sud.

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