Le devenir du carbone dans les sols contribue à réguler la teneur en CO2 de l’atmosphère ainsi que la fertilité des agro-écosystèmes. Les résultats d’une étude parue le 11 juillet 2018 dans la revue Nature sur 112 sols de prairies, forêts ou cultures, situés sur l’ensemble du globe, permettront de mieux prévoir l’évolution du cycle du carbone, d’améliorer le bilan carbone des sols et de bien comprendre les facteurs de variation du stockage de carbone entre différents sites et pour différents usages des terres.
Réguler le climat
Des chercheurs de l’Inra, du CEA et du CNRS ont mis en évidence qu’au cours des 50 dernières années, ce ne sont pas moins de 25 % du carbone du premier mètre des sols de la planète qui ont été renouvelés, avec une contribution significative des couches profondes.
Pour rappel, les végétaux fixent le carbone du CO2 de l’atmosphère grâce à la photosynthèse, l’incorporent au sol sous forme d’exsudats racinaires et de résidus. Le carbone y séjourne ensuite pendant des durées variables avant d’être en très grande partie converti à nouveau en CO2, grâce à la respiration des organismes décomposeurs. Ces échanges continus entre sol et atmosphère contribuent à réguler la teneur en CO2 de l’atmosphère, et donc le climat, et sont susceptibles d’affecter la productivité des agro-écosystèmes.
Dynamique du carbone 7 fois plus rapide en sol superficiel
Si environ 80 % de ce carbone jeune se trouve dans les couches superficielles du sol (0 — 30 cm de profondeur), 20 % sont dans les couches plus profondes (30 cm — 1 m). Le renouvellement du carbone en profondeur résulte de la savante contribution de la faune qui mélange les sols – on parle de bioturbation – jusqu’à quelque 70 cm de profondeur, des racines, apportant du carbone jusqu’à environ 2 m, et des décomposeurs qui dégradent les matières organiques, un processus qui s’estompe progressivement en profondeur.
Il en découle un fort gradient vertical de la dynamique du carbone, que les scientifiques ont notamment mesuré pour l’ensemble des zones tropicales où l’âge médian du carbone s’échelonne ainsi de 7 ans, en surface, à 1 250 ans, à 1 m de profondeur. Ils ont de façon plus générale, mis en évidence que la dynamique du carbone dans les couches superficielles (0 -30 cm) est sept fois plus rapide que dans les couches plus profondes (30 cm – 1 m).
Les sols cultivés reçoivent beaucoup de carbone
Si l’on savait déjà que la culture, par rapport aux prairies et forêts, réduit sévèrement la teneur en carbone des couches superficielles des sols (0 – 30 cm) principalement du fait des récoltes de végétaux, les scientifiques montrent en revanche que les sols cultivés reçoivent des quantités relativement importantes de carbone en profondeur puisque les couches profondes (30 cm — 1 m) abritent 30 % du carbone jeune.
De façon globale, le carbone qui est renouvelé est incorporé pour moitié entre 0 et 10 cm de profondeur et pour moitié au-delà. Cette profondeur médiane est de 9 cm en forêt contre 17,5 cm dans des sols cultivés, soulignant l’impact de l’usage des sols et notamment des pratiques agricoles sur le renouvellement du carbone.
La sécheresse favorise le carbone jeune en sol profond
Cependant, même dans la partie superficielle des sols tempérés cultivés, l’âge du carbone organique est élevé, de l’ordre de 75 ans, traduisant le fait que les matières organiques de nos sols actuels sont l’héritage de leur gestion par plusieurs générations d’agriculteurs.
Les chercheurs ont mis en évidence que la contribution des couches profondes du sol au carbone jeune dépend peu de la température, mais davantage des précipitations : elle est plus forte en climat sec, probablement parce que l’enracinement des végétaux est alors plus profond.