Mardi est jour de cueillette à la coopérative Tagan’ni de Béniakré, dans le sud de la Côte d’Ivoire. Sa présidente, Véronique N’Dri, s’est donc excusée dans un sourire : « Beaucoup de femmes sont au champ. » Mais pour recevoir la visite conjointe d’un représentant du ministère de l’Agriculture ivoirien, de l’ambassade de France et de La France agricole, une quinzaine sont restées au village.

La coopérative de femmes Tagan’ni s’est créée en 2006. Elle compte 80 adhérentes officielles et travaille de près ou de loin avec quelque 400 productrices. « Quand on a des produits périssables, il vaut mieux se regrouper pour bien vendre. » La coopérative produit beaucoup de cultures vivrières (igname, manioc, maïs, tomates, aubergines, piment…), mais aussi pérennes (hévéa, palmier à huile, bananiers, cacao). L’intérêt de ces dernières dépasse d’ailleurs l’aspect commercial, comme pour Véronique : « Mon père, qui travaillait hors du village, avait borné ses champs avec des cultures pérennes, car les voisins profitaient de ses absences pour grignoter sur ses terres ! » Là comme ailleurs, le foncier est convoité. C’est pourquoi les terres sont toujours occupées : « Dès qu’un espace se libère, après l’abattage des palmiers par exemple, on se dépêche de planter du manioc ! »

Pénibilité du travail

Le collège des femmes de l’Anopaci (1), auquel elle est affiliée, soutient la coopérative pour l’achat de semences et de petit matériel comme… des arrosoirs. Pas de grosses machines, tout est manuel. Les hommes se chargent de l’abattage des arbres et creusent les trous pour les plantations, les femmes assurent le reste, du désherbage à la récolte.

« Et on transforme une partie de la production : le manioc en attiéké (2), les noix de palme en huile, poursuit la présidente. C’est un travail pénible, mais qui nous permet de vivre ! » Pas de phytos non plus, et les seules matières fertilisantes sont l’humus et les cabosses de cacao. « C’est bio, mais on n’a pas d’argent pour se certifier », sourit-elle.

Chaque femme cultive son propre champ. Un « champ-école » collectif sert de terrain d’expérimentation, avec l’appui du ministère de l’Agriculture. La transformation et la vente se font en commun, pour fournir la région d’Abidjan et au-delà.

Le transport est tributaire de l’état des routes, malmenées par les pluies, mais le marché est porteur. Un « très bon contact » a déjà été établi avec Danone, qui recherche des céréales, et l’implantation récente de Carrefour dans la région soulève des espoirs. « Continuez à nous envoyer des partenaires, on peut fournir !, lance Véronique dans un éclat de rire. Si on est appuyées, on peut tout faire ! En France, mettez votre vieux matériel dans un container : ici, ça peut servir ! »

(1) Association nationale des organisations professionnelles de Côte d’Ivoire.

(2) Semoule de manioc.