« C’est lorsque le commerce mondial du blé est supérieur au disponible réellement exportable chez les principaux exportateurs que les prix sont fermes », rappelle Nathan Cordier, analyste chez Agritel. Ce fut par exemple le cas en 2006-2007, 2007-2008, 2010-2011, ou encore 2012-2013. Pour la campagne de commercialisation de 2023-2024, « on est dans une situation limite, qui ne permet pas davantage de problèmes de production chez les principaux exportateurs, juge-t-il. La situation est équilibrée, mais reste fragile. »
Le cabinet de conseil a présenté ses estimations le jeudi 26 janvier 2023 lors du Paris Grain Day. « Aujourd’hui, on peut déjà statuer sur le fait qu’on n’aura pas de nouveau record de production de blé chez les principaux exportateurs », précise l’expert. Il souligne au contraire un biais plutôt baissier. Des difficultés sont en effet soulignées dans plusieurs pays, alors que les importations mondiales devraient rester au-dessus de 200 millions de tonnes.
Baisse de la sole ukrainienne
Agritel s’attend d’abord à une forte baisse des surfaces de blé en Ukraine, à 4 millions d’hectares contre 5 millions d’hectares en 2022-2023, et 7,4 millions d’hectares en 2021-2022. Nathan Cordier évoque des problèmes de trésorerie pour les producteurs ukrainiens, de logistique, ou encore de récolte de maïs qui ont gêné les semis des céréales. Finalement, « l’Ukraine connaîtra sa plus petite production de blé depuis la campagne de 2007-2008. Les niveaux de stock de report seront aussi plutôt limités au regard de la cadence d’exportation actuelle. » En Russie, Agritel se base à ce jour sur une récolte de 85,6 millions de tonnes, mais avec « un biais plutôt baissier » au regard des conditions plutôt sèches, notamment sur le sud du pays, et le risque de gel. Selon Sitagri, le ministère de l’Agriculture russe estime la récolte de 2023 de blé du pays entre 80 et 85 millions de tonnes.

En Europe, la production est attendue relativement stable. Aux États-Unis en revanche, le blé pâtit des conditions de culture « au pire niveau depuis ces trente dernières années, notamment au Kansas, qui couvre plus de 20 % des surfaces de blé d’hiver ». Le déficit hydrique y est « extrêmement marqué ». Agritel table sur une production comprise entre 49,3 millions de tonnes et 54,6 millions de tonnes. Les prévisions météo semblent par ailleurs prévoir un retour du phénomène El Niño. Celui-ci a « un impact direct sur le rendement en Australie ». Le manque de précipitations sur le pays entraîne par ailleurs une baisse de surfaces : « On parle d’une différence de 1 à 2 millions d’hectares par campagne », indique Nathan Cordier.