Visiter une ferme au 10e étage d’un building, en plein centre-ville, c’est déroutant, mais c’est possible en Ukraine. Dans ce pays, d’immenses holdings cultivent plusieurs dizaines de milliers d’hectares. Elles sont gérées à l’image d’une grande entreprise, avec un P.-D.G., des directeurs et des centaines d’ouvriers.

Nous avons poussé les portes d’Agro-Region, dont le siège social est installé au cœur de Kiev. Nous sommes accueillis par Kateryna Rybachenko, sa P.-D.G. Bureau moderne, moquette au sol, salle de réunion flambant neuve et écran géant diffusant une vidéo de communication : pas de doute, nous sommes dans une autre dimension. Et surtout dans un système différent de l’agriculture française.

36 000 hectares

Agro-Region est une holding comme il en existe plusieurs en Ukraine, mais pour nous, Français, ses chiffres peuvent donner le vertige : 36 000 hectares répartis sur trois sites, 450 employées, et environ 400 machines. Rappelons également que l’entreprise ne date que de 2002. Les rendements communiqués n’ont pas grand-chose à envier à l’Europe occidentale, avec 96 q/ha en maïs grain non irrigué, 72 q/ha en blé, 35 q/ha en tournesol, et 57 q/ha en orge de printemps.

Les holdings n’échappent pas à l’impossibilité d’acheter du foncier. Comme les autres structures, elles louent l’intégralité des terres qu’elles exploitent. Pour Agro-Region, cela représente plus de 12 000 propriétaires, et pas moins de 50 employés à temps plein pour s’occuper des fermages (renouvellement, paiement…). Les baux ont une durée d’un an à plus de dix ans. Cependant, près de 60 % sont des contrats de huit à dix ans.

Nous avons ensuite visité l’un des trois sites du groupe. Il est implanté à 5 km de l’aéroport de Borispol (l’équivalent de Roissy). Agro-Region y cultive du maïs, du tournesol, du soja, de l’orge et du blé sur près de 12 000 ha. Malgré une surface cent fois plus grosse qu’une ferme céréalière moyenne, le matériel est calculé au plus juste.

2 500 heures partracteur et par an

Les tracteurs réalisent environ 2 500 heures par an, en fonctionnant pratiquement 24 heures sur 24 lors des chantiers. En Ukraine, le coût de la main-d’œuvre est bien plus faible qu’en France : il est donc plus rentable d’avoir un tracteur avec deux ou trois chauffeurs qui se relaient.

Pour 12 000 hectares, le parc se compose de 11 tracteurs de grosse puissance (300 ch) et d’un modèle articulé de 500 ch. Hormis quelques Belarus qui traînent encore dans la cour, les automoteurs (tracteurs, pulvérisateurs automoteurs et moissonneuses-batteuses) ne proviennent que de marques américaines et n’ont pas plus d’une quinzaine d’années. Nous sommes loin de l’image d’Épinal de l’ancien bloc de l’Est. Les tracteurs sont polyvalents et effectuent semis et déchaumages.

Le transport se limite à des transbordeurs. Le site comprend une armée de camions pour acheminer la récolte de la parcelle au lieu de stockage. Pour le stockage, la holding ne fait pas les choses à moitié. Avec une production de 220 000 t annuelle, elle possède plusieurs sites équipés de séchoirs (rappelons que près de 40 % de la sole est constituée de maïs grain). L’un des plus impressionnants peut stocker 72 000 t, et a une capacité de séchage de 2 250 t par jour. Enfin, environ 75 % de la production est exportée en dehors du pays.

« Équipée telleune concession

L’entretien et la réparation du matériel des différents sites doivent toutefois être rationalisés. Le site de Borispol accueille un atelier de réparation pour tout le groupe. Les tracteurs récents, encore sous garantie, sont entretenus et réparés en concession. Pour toutes les autres machines, l’entretien est fait en interne. Il en va de même pour le stock de pièces. La holding possède un magasin d’environ 10 000 pièces. Le service est opérationnel 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, pour dépanner le plus vite possible.

Toujours par soucis d’efficacité, Agro-Region a investi dans une école pour former ses chauffeurs. TractorEAST, c’est son nom, propose une formation en interne. Elle a lieu sur le site que nous avons visité. Pendant 6 mois, les participants apprennent à conduire les différents matériels, à maîtriser les bases de la mécanique, et à faire les révisions. Chaque élève est nourri et reçoit une bourse de 5 000 hryvnias (environ 150 €). Une bonne méthode pour disposer de chauffeurs qualifiés.