"La sélection continue de nouvelles variétés a permis un doublement des rendements depuis 50 ans, y compris en conditions sèches. Mais depuis le milieu des années 1990, pour beaucoup d'espèces et en particulier le blé, on observe un plafonnement des rendements, dont la cause principale est le changement climatique", informe Pierre Martre, directeur de recherche à l'Inrae. Il dirige le laboratoire d'écophysiologie des plantes sous stress environnementaux de Montpellier, qui travaille notamment sur l'amélioration de la tolérance des plantes face au déficit hydrique.
"La principale difficulté, c'est qu'il n'y a pas qu'une seule stratégie pour y parvenir", résume-t-il. Il est en effet possible de développer des plantes avec des durées de végétation plus courtes, qui termineront leur cycle avant qu'une sécheresse estivale s'installe. Ou bien d'augmenter l'absorption d'eau par les racines, en développant des variétés avec des enracinements plus profonds. Ou de réduire les pertes d'eau, avec le risque de baisser le rendement car la photosynthèse diminue également. Ou encore d'adapter la croissance des plantes au manque d'eau, pour optimiser son utilisation au cours du temps... "Tout cela dépend des scénarios de déficit hydrique", explique le scientifique.
La tolérance à la sécheresse est déterminée par un très grand nombre de gènes. "Pour un caractère contrôlé par dix gènes, un individu sur plus de mille aura la bonne combinaison. Et si un caractère est contrôlé par vingt gènes, il faut chercher dans plus d'un million d'individus pour trouver la bonne combinaison, illustre Pierre Martre. Cela revient à chercher une aiguille dans une botte de foin !"
Trouver la bonne combinaison
L'Inrae a été pionnier dans le développement du phénotypage haut débit, qui consiste à rechercher les formes favorables de gènes dans des milliers d'individus, dans un environnement donné. "Dans les années 2010, le plan d'investissement d'avenir a permis à la France de se doter d'une infrastructure de recherche unique de phénotypage des plantes à haut débit, Phenome Emphasis (1), dont les installations sont distribuées sur neuf sites français ", indique Pierre Martre.
Sa force est de combiner des installations expérimentales en conditions contrôlées, et au champ."Ces plateformes nous permettent de prédire le rendement de centaines de génotypes dans des centaines de champs, et d'identifier en amont les meilleurs croisements qui seront réalisés par les sélectionneurs", décrit l'expert. Au cours du projet, la phénomobile, un robot permettant de "scanner" les cultures en plein champ, a été développée. Elle est actuellement déployée dans trois stations expérimentales Inrae, à Toulouse, Montpellier et Clermont-Ferrand. "À Clermont-Ferrand, une installation permet par ailleurs de simuler les sécheresses, et également d'augmenter la concentration en CO2 de l'atmosphère, exposant ainsi des centaines d'individus à la fois à des conditions simulant des climats futurs."
(1) Qui associe l'Inrae, Arvalis, Terres Inovia et des partenaires industriels, en robotique, et en intelligence artificielle.