Multiplier les prairies à flore diversifiée. Tel est l’objectif d’une vingtaine d’éleveurs de l’Indre, regroupés au sein d’un GIEE « agriculture durable en Boischaut Sud ». Accompagnés par l’Adar-Civam, Indre Nature et Blandine Grillon, botaniste indépendante, ils essaient d’adapter leurs pratiques pour mieux résister au changement climatique et augmenter leur autonomie. « La prairie permanente est la compagne de route de l’éleveur, il faut en prendre soin, explique Blandine Grillon. Il faut s’habituer à des prairies grillées en juillet-août, et éviter le pâturage à cette période. Néanmoins, quand la flore est suffisamment diversifiée, à la moindre pluie, la prairie reprend de la vigueur ». Philippe Plantureux, éleveur de 50 mères charolaises et limousines à Velles (80 ha de prairie et 20 ha de céréales), est curieux de cette méthode. « J’ai acheté des semences pour ressemer des prairies avec du dactyle, de la fétuque et du trèfle. Mais, c’est coûteux ! La méthode des fleurs sauvages et locales nécessite très peu d’investissement, donc autant la tester ».

Jusqu’à 40 espèces différentes

Première étape, identifier une prairie source. Philippe a la chance d’avoir une prairie en bord de rivière, jamais pâturée et sans fertilisation, qu’il fauche au printemps. On y trouve du plantain, du lotier, du trèfle, de la centaurée, de l’oseille, de la vesce, du gaillet jaune, de la houlque laineuse… Au total, une quarantaine d’espèces végétales a été recensée.

Pour la récolte et le semis, il existe plusieurs méthodes. La première testée en 2019 a été adaptée de la méthode suisse « fleur de foin ». Elle consiste à couper du foin en vert. En procédant tôt le matin, les graines restent collées aux tiges. Le foin peut être pressé ou non puis rapidement épandu sur la prairie cible, pour éviter que les semences ne chauffent. En 2020, autre technique, Philippe ne fauche pas la parcelle et la laisse monter à graines. Fin juillet, il passe avec sa moissonneuse-batteuse. « Comme les graines sont très fines, la machine doit être très propre. Je l’avais nettoyée à l’aspirateur », commente Philippe. « Nous avons tout étalé sur une bâche pour faire sortir les nombreux insectes. J’ai laissé sécher le tas, puis je l’ai tamisé. En septembre, quand les conditions étaient propices, j’ai semé les graines à la volée, environ 25-30kg/ha sur une prairie de 0,5 ha, surpâturée où il ne restait pas grand-chose. J’étais un peu décontenancé car je ne savais pas du tout ce que je semais ! ». Résultat deux ans après, Philippe a retrouvé la moitié des espèces présentes dans la prairie source. « C’est très encourageant, souligne la botaniste. Mais, il faut attendre au moins cinq ans que toutes les espèces s’expriment pour tirer des conclusions ». Philippe est d’ores et déjà satisfait. La prairie a bien résisté à la sécheresse de cet été et les vaches qui l’ont pâturée, semblaient rassasiées.

Cependant, ces techniques impliquent une année blanche de récolte de foin sur la parcelle source. Pour éviter cette perte, un éleveur de Charente (1) a inventé une brosseuse, la « Pictagraine », qui ne prélève que les graines. Cette machine est venue récolter les semences en 2022 pour le groupe de l’Indre. Néanmoins, les semences de légumineuses, importantes pour l’apport en protéines, sont souvent basses et donc peu ramassées par l’engin.

(1) Collaboration entre le Conservatoire d'espaces naturels de Poitou-Charentes, Philippe Ardouin et l’Atelier paysan.