À quelques kilomètres de Vélez-Málaga, sur les hauteurs, dans la sierra, se niche un petit paradis vert. Un endroit unique en Europe, où 80 espèces subtropicales, dont plus de 40 variétés de mangues et 70 d’avocats, sont étudiées. « À la Mayora, notre but est de sauvegarder la diversité et d’aider les agriculteurs à expérimenter pour ouvrir d’autres marchés, explique Iñaki Hormaza, scientifique dans cet institut d’horticulture. La culture de l’avocat, désormais dominante, est rentable, mais la production reste contrainte par le manque d’eau. »
Dans la région l’Axarquía, les cycles de sécheresse s’intensifient. Pour tenter d’y remédier, La Mayora s’est depuis peu associée à l’entreprise BioAzul, dans le cadre d’un projet en partie financé par le programme européen Horizon 2020. Ce projet, pionnier en Europe, vise à développer une technologie pour obtenir de l’eau de qualité conforme aux normes de l’OMS, et étudier son impact sur la récolte. « Il s’agit de combiner l’irrigation et le recyclage des eaux usées, les deux à la fois, c’est nouveau », explique Rafaël Casielles, responsable du projet chez BioAzul.
FILTRES ET RAYONS UV
L’expérience sera menée pendant deux ans. Avec, si possible, l’installation de la fabrique visant à recycler l’eau dès janvier 2017. Concrètement, les cultures seront reliées à une unité de contrôle par des capteurs indiquant les quantités en eau et nutriments que nécessitent les plantes. Une façon d’économiser les deux. L’eau, elle, sera dans un premier temps filtrée par une membrane, puis passée aux rayons ultraviolets. C’est une méthode énergivore, mais qui a l’avantage de n’utiliser ni chlore ni produits chimiques.
En Espagne, seules 10 % des eaux usées sont réutilisées. Un chiffre très bas par rapport à Chypre et Israël, où ces taux atteignent 90 %. « Ici, les agriculteurs sont réticents à l’idée d’utiliser de l’eau traitée, ils ont peur d’un risque de contamination », confie Rafaël Casielles, rappelant que la crise du concombre en 2011 a laissé des traces. Selon lui, « cette eau est cependant meilleure, les analyses montrent qu’elle a beaucoup moins de pathogènes qu’à l’état naturel ».
En lieu et place, certains agriculteurs préféreraient que l’on transfère de l’eau du fleuve Guadalhorce (Sierra Grazalema, au nord de Cádiz) vers leur zone de production. Mais l’option serait plus coûteuse pour l’environnement. À ce stade, les économies sont donc plus que nécessaires. « Il y a urgence, insiste Iñaki Hormaza : la prochaine crise c’est demain, peut-être dès l’été prochain. »