Y’a-t-il « un blocage idéologique » sur le stockage de l’eau en France comme l’a avancé Christiane Lambert, interrogée sur le sujet par France Inter le vendredi 19 août 2022 ? Oui, répond Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, au micro de France info ce mardi 23 août 2022.

 

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« Ce que l’on mange, c’est de l’eau »

« Sans eau il n’y a pas d’agriculture, insiste le ministre. Ce que l’on mange, c’est de l’eau. Quand vous mangez une salade, des tomates, c’est 90-95 % d’eau. Donc il y a besoin d’eau pour les faire pousser. »

 

Rappelant les travaux de son prédécesseur sur le Varenne de l’eau, Marc Fesneau a insisté sur l’importance de l’eau et déplore le fait qu’elle ne soit pas pensée « comme une denrée rare et à réguler ».

 

En effet, le Varenne de l’eau a été développé autour de trois axes, à savoir : le système assurantiel, les changements de pratiques et la création de réserves d’eau. Pour le ministre de l’Agriculture, sans ces réserves, « qui avaient été créées il y a des dizaines d’années, on se retrouverait dans la situation d’être en pénurie ».

Étant dans un climat plutôt tempéré, nous n’étions pas à penser l’eau comme une denrée rare et à réguler.

Marc Fesneau, sur France Info le 23 août 2022.

Besoin de stocker l’eau

« Le volume d’eau qui tombe chaque année est le même, poursuit Marc Fesneau. La difficulté c’est que l’eau ne tombe pas de manière régulière. En gros, vous aviez dans un département comme le mien (Loir-et-Cher), 600 mm d’eau qui tombaient chaque année et on pouvait presque diviser par 12 [pour obtenir] le volume qui tombait tous les mois ».

 

Aujourd’hui, dans un département comme le Loir-et-Cher, « il est tombé une dizaine de millimètres d’eau depuis le 15 juin […] Donc, il y a besoin, quand il y a trop d’eau, de pouvoir la stocker pour pouvoir la restituer quand il y aura des périodes de pénuries », a-t-il ajouté.

 

« Regardons ce que font les autres pays européens, la présidente [de la FNSEA] Christiane Lambert à raison de le dire. Dans beaucoup de pays européens, on travaille sur les questions d’eau sans dogmatisme et en essayant d’avancer sur le sujet », a souligné Marc Fesneau alors que les critiques sur le stockage d’eau sont vives en France.

 

Les journalistes de France Info ont argumenté que, selon les écologistes, les réserves d’eau favoriseraient la sécheresse en empêchant l’eau de s’infiltrer dans les sols et en favorisant l’évaporation. Et qu’elles confisqueraient également une ressource commune.

 

Face à ces critiques, le ministre s’est défendu. Pour lui, « la souveraineté alimentaire est un bien commun. Quand des agriculteurs prennent de l’eau, ce n’est pas pour eux mais pour alimenter des végétaux afin qu’ils puissent pousser. |…] Quand vous avez quatre mois sans eau, et c’est ce qu’il s’est passé cet été, […] à la fin il n’y a pas de production agricole. »

 

« L’eau qui rentre dans les nappes c’est celle qui tombe tranquillement. Quand il tombe 100 mm, comme c’est arrivé, y compris dans des territoires qui n’y étaient pas habitués, en une demi-journée, cette eau-là file directement à la mer [et] ne vient pas remplir les nappes […] Donc, il faut prélever les excès d’eau qui viennent désormais parce qu’on a une arythmie de la pluviométrie », a ajouté le ministre.

Repenser l’usage de l’eau

Selon Marc Fesneau, pour pouvoir avancer sur le sujet de l’eau, « il faut combiner les choses : les changements de pratiques, les changements d’assolement. Et puis, il y a besoin d’eau et il faut tranquillement poser les termes du débat. »

 

« Si la Seine est à ce niveau-là, c’est parce qu’il y a bien des ouvrages qui sont en amont et qui ont été créés [à l’origine] avec une volonté de lutter contre les inondations, en particulier en région parisienne », a-t-il précisé.

 

« Donc il faut aussi développer le multi-usage [et] la capacité à mobiliser de l’eau. On est le ou l’un des pays d’Europe qui mobilise le moins l’eau issue des stations de traitement de l’eau, moins d’1 % ».

 

Au-delà du recyclage de l’eau, il est nécessaire, selon lui, de réutiliser cette eau et notamment pour l’agriculture. Pour le ministre, les agriculteurs sont prêts à utiliser cette eau issue des stations d’épuration, précisant que cela ne pose aucun problème pour un certain nombre de cultures.

 

« Essayons de poser tranquillement les débats, de lever les blocages psychologiques et de répondre à la question qui est : l’eau est une denrée précieuse et donc il faut la traiter comme [telle] », a affirmé Marc Fesneau.

 

Pour le ministre toutes les solutions sont à mettre conjointement en œuvre : « si on peut réutiliser [l’eau des stations d’épuration], on le fait et si on peut stocker l’eau quand il y a des excès de pluviométrie, et bien on la stocke. »