« La réglementation environnementale n’est pas seulement un risque pour la filière laitière européenne, il s’agit également de donner du sens à nos métiers », a expliqué Martial Marguet, président de l’Institut de l’élevage (Idele) lors de l’ouverture de la septième édition du Grand angle lait le 19 juin 2020.
Le « Pacte vert », ou « Green deal », de la Commission européenne aspire à faire du Vieux continent le premier au monde à devenir neutre en carbone à l’horizon 2050. Et dans cette quête, l’agriculture occupe une place stratégique. Le secteur produit en effet « 10 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et 94 % des émissions d’ammoniac européennes », rappelle Sylvain Foray, chargé de projet à l’Idele. La réglementation environnementale pourrait bien devenir une source de démarcation pour les produits agricoles.
La France se prépare
Au travers de sa stratégie nationale bas carbone, l’Hexagone compte réduire de 46 % ses émissions de gaz à effet de serre liées à l’agriculture entre 2015 et 2050. De son côté, l’interprofession laitière (Cniel) vise une réduction de l’empreinte carbone du lait de 20 % d’ici 2025.
L’ouverture récente du marché des crédits carbone aux éleveurs bovins va en ce sens. « Depuis les années 90, la France a réduit ses émissions de gaz à effet de serre sans que cela ne pénalise les niveaux de production de lait et viande, note Sylvain Foray. L’efficience des systèmes d’élevage s’améliore. »
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À l’inverse, le secteur agricole irlandais peine à améliorer son bilan carbone. « La collecte laitière a bondi de 53 % en dix ans, un plan est en cours d’élaboration pour réduire l’empreinte carbone du lait », ajoute-t-il. De quoi couper net l’île d’Emeraude dans son élan. Sur le volet des nitrates, l’Allemagne est toujours pointée du doigt. En France, la qualité de l’eau s’améliore sensiblement dans les régions d’élevage.
Encore du chemin à faire
La préservation de la biodiversité est également un bon point pour la France et ses systèmes herbagers, mais « il faut réduire la dépendance aux intrants des élevages pour ne pas l’éroder en dehors de nos frontières », souligne Sylvain Foray. Une moindre dépendance aux importations permettrait également de réduire l’empreinte carbone globale des Français.
Concernant les émissions d’ammoniac (NH3) dans l’air, la France a été mise en demeure par la Commission européenne en mai dernier. « Il nous est demandé de transposer correctement les exigences de la directive NEC (1) dans la législature nationale », explique le chargé de projet.
Cette directive vise une réduction de 19 % du plafond d’émissions d’ammoniac de l’Union européenne entre 2005 et 2030. Pour le moment, la France stagne : baisse de 2 % des émissions d’ammoniac entre 1990 et 2013, avant de régresser jusque 2017. Pour y remédier, un guide des bonnes pratiques agricoles pour l’amélioration de la qualité de l’air a été publié en septembre 2019.
Dans les élevages bovins, responsables de 43 % des émissions NH3 en France, « il faut travailler sur l’ensemble de la chaîne de gestion des déjections : temps de présence dans le bâtiment, raclages réguliers, couverture des fosses ou encore épandage peu émissif, liste Sylvain Foray. Tout cela sans négliger une seule étape au risque de réduire à néant les efforts engagés ailleurs. »
(1) NEC : National emission ceilings ou plafonds nationaux d’émission. La directive européenne NEC est transposée en France par l’intermédiaire du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA).