La satisfaction de la soif est un critère de bien-être animal. C’est également un facteur déterminant pour la production.
« La diminution du volume de lait produit est le premier signe d’un manque d’eau d’abreuvement, même dans un climat frais ou tempéré », explique Anne Boudon, chercheuse à l’Inrae (1) Agrocampus Ouest. En outre, il est possible de mesurer cet impact. « Une vache qui produit 20 kg de lait et qui n’a accès qu’à 60 % de son besoin en eau réduit son ingestion de matière sèche de 20 %, et sa production baisse d’autant dans les trois jours », détaille la spécialiste. La dégradation des performances s’amplifie avec l’augmentation de la température ambiante.
Même si les recommandations concernant l’abreuvement des vaches laitières sont appliquées (lire l’encadré), il convient de s’assurer que chaque animal a accès à l’eau. Une récente étude conduite à la ferme expérimentale de l’Inrae du Rheu (Ille-et-Vilaine) montre que la hiérarchie au sein du troupeau empêche les vaches dominées de boire en quantité suffisante quand elles en expriment le besoin. Le site est pourtant doté d’un nombre important d’abreuvoirs : vingt-quatre bols pour cent vaches laitières. « Nous avons des bols connectés depuis trois ans et nous disposons de caméras pour analyser les comportements, précise Anne Boudon. Nous cherchons notamment à savoir s’il est possible d’anticiper un événement sanitaire lorsqu’une vache change de comportement d’abreuvement. »
Conflits autour de l’eau
À l’occasion d’essais, la scientifique a découvert une autre réalité. « L’impact de la hiérarchie dans le troupeau pour l’accès aux points d’eau a été mis en évidence, poursuit-elle. En analysant neuf jours de vidéos, nous avons identifié plus de mille situations de conflits autour de l’eau. C’est beaucoup plus que ce à quoi nous nous attendions, et que ce que pensaient les soigneurs. Tous les animaux n’ont pas accès aux points d’eau de manière équitable quand ils le veulent. Les dominées sont repoussées. Elles fréquentent davantage certains abreuvoirs, délaissés par les autres, car ceux-ci sont plus éloignés ou moins accessibles. Il leur est donc plus difficile de boire. »
Réorganiser en groupes
Les animaux défavorisés ne sont pas forcément des primipares, mais ils sont en général plus légers et moins productifs que les autres. Reste à savoir s’il est possible d’augmenter la production laitière des vaches dominées en parvenant à les faire boire davantage, ou si ces animaux sont dans une « spirale infernale », conduisant à une réforme anticipée. « Actuellement, seul l’œil de l’éleveur permet d’identifier les relations hiérarchiques au sein du cheptel », estime Anne Boudon. Pour tenter de protéger les dominées, une réorganisation du troupeau en groupes pourra être envisagée, lorsque cela est possible.
Yanne Boloh
(1) Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.