Les risques d’apparition de maladies respiratoires, aussi appelées bronchopneumonies infectieuses enzootiques (BPIE), sont particulièrement élevés en début d’engraissement. La multiplicité des agents pathogènes et des facteurs de risque pouvant être associés aux BPIE rend difficile leur détection et leur maîtrise. « La proportion d’animaux dont les symptômes sont détectés dans les ateliers d’engraissement de jeunes bovins (JB) est de 20 %, alors que près de 80 % des cas sont en réalité atteints », estime Nathalie Bareille, enseignante à l’école nationale vétérinaire de Nantes (Oniris).

Deux facteurs de risque prépondérants

Dans le cadre du projet Sant’innov (1), l’unité de recherche Inrae-Oniris BioEpar­ (2) a tenté d’identifier les facteurs susceptibles de déclencher des pathologies respiratoires dans la filière des JB, ciblant la période de transit entre les naisseurs et les engraisseurs. « Le suivi de cette phase de transport, de tri et de mise en lots est toujours délicat. L’objectif était de considérer les moyens possibles pour limiter l’exposition des animaux à de nouveaux pathogènes et ainsi, à terme, de réduire l’usage des antibiotiques et améliorer les performances à l’engraissement », explique Thibaut Morel-Journel, chercheur­ post-doctoral à l’unité BioEpar.

En collaboration avec Ter’élevage, la filière bovine de Terrena, les données historiques de 134 060 JB charolais passés dans les treize centres de tri de la coopérative et mis en place dans 9 273 lots entre 2010 et 2018 ont été passées au crible.

« Nous avons établi deux constats prédominants : plus la distance de trajet parcourue par les bovins est grande, plus leurs performances, leur santé et leur bien-être sont affectés. De la même façon, l’hétérogénéité de l’origine des animaux mis en lots a plutôt un effet délétère », note Thibaut Morel-Journel.

L’analyse de ce jeu de données, englobant des JB issus de 3 600 ateliers naisseurs, a conduit au développement de deux algorithmes. « Le premier propose des compositions de lots à partir d’une liste d’animaux à grouper, dans le but de maximiser l’homogénéité de l’origine. Le second suggère des centres de rassemblement vers lesquels envoyer les différents lots de JB, afin de minimiser les distances­ totales de transport parcourues­, poursuit l’expert. Les modalités de ces deux algorithmes tiennent compte des contraintes des commandes faites à Terrena, telles que le respect de la taille et de la composition [en races] des lots demandés. »

La différence entre les données historiques des JB et les cas théoriques « optimisés au maximum » par les algorithmes rapporte des résultats éloquents.

L’algorithme tendant à privilégier une faible diversité d’origine prévoit une baisse de l’indice de risque aux BPIE pouvant atteindre 30 % par lot. Conjointement, la diminution des distances de trajet obtenue grâce à l’algorithme permet de minimiser la perte de GMQ. « L’estimation peut aller jusqu’à 12 g/j, soit un gain total de 3,7 kg par animal durant la phase d’engraissement », calcule Thibaut Morel-Journel.

Une réduction des coûts financiers associés au transport et un moindre stress des animaux sont également deux avantages sous-jacents.

Lucie Pouchard

(1) Ce projet est financé par l’Inrae et quatre régions dans le cadre du programme Pour et sur le développement régional du Grand-Ouest. Il allie des instituts de recherche publics et techniques, ainsi que des partenaires académiques et socio-économiques filières bovine et porcine pour intégrer la santé animale­ à l’écologisation des modes de production.

(2) Unité de biologie épidémiologie et analysede risque en santé animale.