Dans le cadre d’un projet du PNRI (1), l’ITB (Institut technique de la betterave) et l’Inrae testent la solution de biocontrôle développée par Agriodor pour lutter contre les pucerons vecteurs de jaunisse sur betteraves. Il s’agit de composés organiques volatils produits naturellement par les plantes, avec un effet répulsif sur le ravageur (allomones).
Différents mélanges d’odeurs ont été évalués en 2021-2022 afin de mettre au point celui qui présente la meilleure efficacité. Les travaux se sont ensuite poursuivis pour améliorer la méthode d’application du parfum dans les parcelles. « En 2023, le mélange a été intégré dans des granulés minéraux inertes permettant un relargage progressif des odeurs durant toute la période de sensibilité de la plante au ravageur », explique Camille Delpoux, directrice des opérations chez Agriodor.

Au total, 50 ha ont été expérimentés l’an dernier avec ces granulés. En 2024, changement de braquet : le ministère de l’Agriculture a autorisé le 24 avril une dérogation pour expérimenter le produit sur 500 ha, à la dose de 4 kg/ha du stade cotylédons jusqu’à huit feuilles. « La moitié des essais seront concentrés en Eure-et-Loir dans le cadre de notre plan d’action sur cette zone à très forte pression, avec des agriculteurs volontaires », détaille Fabienne Maupas, directrice du département technique et scientifique de l’ITB. Le reste sera réparti dans le réseau d’Agriodor et le réseau des fermes pilotes du PNRI. L’objectif est de bien évaluer l’efficacité du produit au champ et affiner la stratégie d’application.
Population de pucerons réduite de 50 à 70 %
Les granulés s’épandent facilement, avec un épandeur centrifuge comme celui utilisé pour les antilimaces. Selon les résultats d’Agriodor, les molécules odorantes diffusent pendant plus de 28 jours au champ, avec une réduction de 50 à 70 % de la population de pucerons dans les champs traités. Ces odeurs perturbent l’arrivée des pucerons dans la parcelle en début de saison, ce qui protège les jeunes stades des betteraves. Et même si certains ailés traversent tout de même cette barrière odorante et arrivent dans la culture, leur reproduction est ralentie et leur alimentation est bouleversée. Cela entraîne un décalage dans la dynamique de populations qui rend possible le report du seuil de traitement (10 % de betteraves colonisées par au moins un puceron).
« Au printemps 2023, nous avons mesuré jusqu’à 15 jours de décalage de ce seuil », révèle Camille Delpoux. Épandue dès l’apparition des premiers pucerons, cette solution de biocontrôle permet ainsi de retarder l’application de l’aphicide. « Dans les zones à faible pression pucerons, cela pourra peut-être suffire pour éviter un traitement, anticipe Fabienne Maupas. En cas de forte pression, cela permet d’appliquer l’aphicide à des stades où la plante est plus réceptive, avec plus de surface foliaire et où l’aphicide sera donc plus efficace. »
« En cas de forte pression, les insecticides actuels ne suffisent pas car ils ne permettent pas de redescendre en dessous du seuil de traitement, complète Camille Delpoux. Il y a donc besoin de leviers complémentaires, comme la solution Agriodor. » L’entreprise espère pouvoir commercialiser son produit pour les semis de 2025.
(1) Plan national de recherche et innovation.