Des chercheurs des universités de Lausanne et Neufchâtel ont mené une étude (1) sur 110 bas-marais et prairies humides des montagnes du Jura. Ils ont caractérisé l’évolution, en trente-huit ans, de leur composition floristique. De leur constat, il ressort que l’arrêt du pâturage durant vingt-cinq ans sur les sites suisses, destiné à sauvegarder ces derniers, a eu l’effet inverse.

Les universitaires ont utilisé des inventaires botaniques de 1974, qu’ils ont répétés en 2012. Ils les ont conduits à 1 000-1 100 mètres d’altitude, dans la Vallée de Joux (Suisse), et en France, près de Chapelle-des-Bois. Côté helvète, les marais étaient clôturés pour y arrêter pâturage et fauche, à partir de 1987. Tandis que du côté français, des producteurs de lait pour l’AOP Comté ont poursuivi leur exploitation en extensif.

Prolifération d’espèces nitrophiles

En trente-huit ans, ces 110 marais ont connu « une nette eutrophisation des surfaces, avec perte des espèces typiques », constate l’étude. Elle affirme que ceux soustraits à l’agriculture depuis vingt-cinq ans « montrent des changements plus marqués que les surfaces dont l’exploitation s’est poursuivie. » L’accumulation de végétaux non exportés, combinée aux dépôts atmosphériques d’azote, a favorisé les espèces plus nitrophiles et plus grandes, au détriment des espèces typiques. Celles-ci disparaissent, d’où une banalisation du milieu.

Suite à ces constats, « les clôtures ont été déplacées sur les sites les plus menacés, afin de les rouvrir au pâturage extensif en fin d’été, avec des limites de chargement et un cahier des charges », indique Pascal Vittoz, maître de recherches à l’université de Lausanne. Sans cette occupation, ces milieux seraient à terme colonisés par les buissons, à l’image des pelouses calcaires non pâturées. « Bien que réputés naturels, bas-marais et tourbières sont en fait l’héritage de pratiques agricoles extensives ancestrales, confirme François Gillet, chercheur à l’université de Franche-Comté. C’est valable sur toute la moyenne montagne : Jura, Morvan et Vosges. »

Catherine Regnard

(1) Travaux présentés dans la newsletter « Information Biodiversité Suisse » IBS n° 131, juin 2018, accessible sur https ://sciencesnaturelles.ch