Partage successoral
Dérogation au principe
Dans le cadre d’une succession, le partage se fait, par principe, en nature ou par licitation, c’est-à-dire que la vente met fin à une indivision. En cas de désaccord, la répartition des éléments de la succession s’effectue par tirage au sort des lots. Le partage par attribution préférentielle constitue une modalité dérogatoire à ces règles (articles 831 et suivants du code civil). « Son objectif est de préserver l’intérêt d’un ou plusieurs cohéritiers dont l’outil de travail est concerné et de maintenir, dans l’intérêt de tous les successeurs, l’unité de cette structure », explique Julien Dervillers, avocat à Rennes, en Ille-et-Vilaine. « La ferme aura plus de valeur entière, que si elle est vendue en pièces détachées », assure-t-il. Ne sont concernés que les biens appartenant en propriété au défunt : terres, bâtiments, matériels…
Trois Conditions
Conjoint ou héritier
Le conjoint survivant (ou partenaire de Pacs) ou tout héritier copropriétaire est autorisé à demander l’attribution préférentielle, en contrepartie d’une soulte s’il y a lieu, de toute entreprise ou partie d’entreprise. Il ne peut s’agir que d’héritier qui a des droits indivis sur le bien qui fait l’objet de la demande.
Participer ou avoir participé
Le demandeur doit participer ou avoir participé effectivement à l’exploitation. Dans le cas de l’héritier, cette condition peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants. L’aptitude du demandeur est soumise à l’appréciation du juge en cas de litige.
Avant le partage
Il est possible de formuler la demande jusqu’au partage. Le transfert de propriété intervient au jour effectif de ce dernier. Le laps de temps peut être long pour régler d’autres points de la succession (salaire différé…).
L’attribution n’engage le demandeur que si le bien n’a pas augmenté de plus du quart de sa valeur depuis le jour ou elle a été ordonnée.
Petites et moyennes entreprises
Attribution de droit
Si le demandeur en remplit les conditions, l’attribution est de droit pour les petites et moyennes exploitations dont la surface est inférieure à un seuil fixé au niveau départemental (1). L’attributaire bénéficie d’un délai maximum de dix ans pour payer la soulte. Au-delà de ce seuil, elle est facultative, c’est-à-dire que le juge peut la refuser.
Cas particuliers
Matériel et cheptel
Si le dispositif vise prioritairement le maintien de l’exploitation dans son ensemble, les dispositions de l’article 831-2 du code civil permettent également de se voir attribuer préférentiellement « l’ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l’exploitation d’un bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer, lorsque le bail continue au profit du demandeur ou lorsqu’un nouveau bail est consenti à ce dernier. » Il s’agit du matériel et du cheptel, dans le cas où l’exploitation du décédé n’est pas en propriété mais en fermage. L’héritier peut se voir ainsi attribuer le matériel dont il ne dispose peut-être pas, et qui est normalement adapté à la taille de l’exploitation.
Obligation de donner à bail
Dans l’hypothèse où ni le conjoint survivant, ni aucun héritier copropriétaire ne sollicitent l’attribution, il est possible pour tout autre cohéritier d’en faire la demande, à la condition qu’il s’engage à donner à bail à long terme les biens qu’il se verrait alors attribuer (article 831-1 du code civil). L’idée est d’aider un cohéritier qui ne dispose peut-être pas des possibilités financières de verser une soulte aux autres copartageants, de se voir consentir un droit au bail permettant, dans un cadre familial, le maintien de l’unité de l’exploitation.
(1) Retrouvez les seuils sur le site internet https ://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do ?cidTexte = JORFTEXT000000637721